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la présentation en une véritable exposition : aux invités et aux voisins, se joignent les indifférens, les passans, les mendians parfois, si on ne les écarte par une aumône qu’ils réclament impudemment; chacun apprécie la nouvelle mariée, la critique tout haut en termes aussi piquans et inconvenans qu’il peut ; elle doit rester impassible, sans parler, rire ni pleurer; si elle fait bonne contenance, on la tient pour une femme de tête; sinon, elle aura bien des railleries et des mauvais tours à subir. Le lendemain du mariage, on mène la jeune femme saluer les tablettes des ancêtres et l’esprit du foyer ; puis on banquette un ou deux jours, les hommes d’un côté, les femmes d’un autre ; et enfin le mari va à son tour saluer les tablettes ancestrales de la famille de sa femme.


III

Le premier effet du mariage, pour la femme, c’est le changement de famille et de culte : du jour où, dans sa chaise rouge, elle a quitté la maison paternelle, elle ne dépend plus de ses ascendans, mais de ceux de son mari; elle portera désormais le nom de ce dernier, sans perdre toutefois le sien qui passe au second rang; elle visitera ses parens au plus trois ou quatre fois dans l’année. Le mariage chinois ne sépare pas la femme de sa famille d’origine aussi complètement que faisait le mariage romain, il établit même une relation rituelle entre le gendre et les beaux-parens : aussi la femme mariée ne porte plus le grand deuil de trois ans au décès de ses parens, mais elle porte le deuil d’un an, et son mari prend le cinquième degré de deuil. Les ancêtres ont été avertis du départ de la jeune fille, mais les rapports religieux ne sont pas rompus, et la femme continue, quand elle se trouve chez ses parens, d’assister aux sacrifices domestiques, elle vient même volontiers pour certains anniversaires de famille; cependant elle a été présentée par le mari à ses propres ancêtres et à l’esprit de son foyer, elle appartient avant tout à cet autre culte domestique, aux cérémonies duquel elle doit prendre part; en même temps, un lien religieux s’est formé entre la famille de la femme et le mari, par la présentation de celui-ci à tous les parens et aux ancêtres de son épouse : désormais le mariage lui est interdit avec plusieurs de ses parentes par alliance. La jeune mariée passant en la même puissance paternelle sous laquelle