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ESSAI SUR GŒTHE

V.[1]
LE DERNIER ROMAN

Il y a des écrivains dont la production est constante, comme le jaillissement d’une source vive ; chez d’autres, elle est intermittente, assujettie aux conditions ou aux hasards de leur vie : ils ressemblent à ces rivières qui doivent la force de leurs eaux aux neiges de l’hiver ou aux pluies du printemps, et qui, pendant de longs mois, coulent à peine dans un lit desséché. Gœthe fut de ceux-ci. Nous avons vu qu’après la superbe éclosion qu’avait marquée la publication rapprochée de Gœtz et de Werther, les premières années de Weimar n’avaient été qu’une longue période de stérilité. Le voyage d’Italie réveilla son génie : il se rendormit après le Tasse, pendant près de cinq années. Ces brusques passages d’une extraordinaire fécondité à un silence presque complet continuèrent dès lors à se succéder, sous la pression changeante des circonstances, jusqu’à la fin d’une carrière qui, lorsqu’on la juge par ses résultats, paraît avoir été si constamment active et si bien remplie.

  1. Voyez la Revue du 1er septembre 1896.