Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvent-ils des hommes, des armes, de l’argent? Aux États-Unis. Quand parle-t-on sérieusement d’enlever Cuba, et qui en parle? Tel ou tel général américain échauffé par le succès de la campagne du Mexique, en 1846, et désireux d’employer au retour l’ardeur de ses régimens de volontaires. Qui veut se servir du célèbre publiciste cubain José-Antonio Saco, et lui offre, en 1848, 10 000 pesos pour fonder à New-York un journal qui prêchera la révolte, la guerre contre l’Espagne, l’invasion et l’annexion de Cuba? Des citoyens américains. Lorsqu’un transfuge de l’armée espagnole, le maréchal de camp don Narciso Lopez, se présenta, en mai 1850, devant la ville de Cardenas, à la tête d’une petite troupe, de qui était composée cette troupe ? En grande partie d’Américains ; et, l’entreprise manquée, où se retira-t-il? En territoire américain, sur cet écueil de Key-West, que les Espagnols appellent par adaptation Cayo-Hueso, un des rochers qui prolongent la Floride et la projettent en quelque manière vers Cuba.

Repoussé en 1850, mais encouragé, d’autre part, dans sa tentative, Narciso Lopez revint à la charge en 1851. Durant l’année qui s’était écoulée, des feuilles volantes, des brochures et des journaux avaient été répandus à profusion parmi la population cubaine: où avaient-ils été imprimés? Aux États-Unis. Pour cette seconde expédition comme pour la première, d’où Narciso Lopez avait-il tiré les hommes, les armes et l’argent? Des États-Unis et surtout de New-York et de la Nouvelle-Orléans. Le vapeur qui l’avait apporté avait passé d’abord pour un navire de la marine de guerre américaine.

Défait à la bataille de las Pozas, non sans avoir pu se croire un instant victorieux, Lopez fut obligé de fuir, et des 500 soldats improvisés avec lesquels il avait eu l’audace d’attaquer une île défendue par 20 ou 30 000 combattans, pas un ne réussit à s’échapper. Cinquante d’entre eux, arrêtés tandis qu’ils essayaient de se sauver sur des chaloupes, étaient des citoyens américains, des jeunes gens dont quelques-uns appartenaient aux meilleures familles. Ils furent exécutés le 15 août. Lopez lui-même qui s’était caché dans la brousse fut pris, condamné à mort, et fusillé le 1er septembre.

L’opinion publique aux États-Unis en était pourtant très surexcitée; en peu de jours, le général américain Houston levait une nouvelle expédition, et celle-là de 5 000 hommes, qui ne partit point, parce que, sur les entrefaites, on apprit la fin tragique de