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que les deux puissances ne recourront pas, en ce qui concerne les actes punissables de leurs sujets ou citoyens, à des tribunaux exceptionnels.

A cet article 7 du traité de 1795 se rattache le non moins fameux et non moins maudit protocole de 1877, qui fit scandale quand les journaux de Madrid, vers la fin de mars 1896, en révélèrent au public l’existence ignorée pendant près de vingt ans[1]. Il précisait les droits ou les privilèges des citoyens américains en Espagne, dans les îles adjacentes, dans les possessions d’outre- mer, et ne mentionnait même plus de réciprocité au bénéfice des sujets espagnols dans les États et territoires de l’Union. Négocié en pleine guerre cubaine, il visait tout spécialement Cuba, les affaires cubaines, et la part qu’y prendraient, que devaient presque fatalement y prendre des citoyens américains.

Il était là-dessus clair et net. Accusé « de sédition, d’infidélité, ou de complot contre les institutions, contre la sécurité publique, contre l’intégrité du territoire, contre le gouvernement suprême, ou de tout autre crime que ce soit », aucun citoyen américain ne pourrait être soumis à aucun tribunal exceptionnel, à moins qu’il ne fût arrêté les armes à la main[2]. Et ce n’est ni plus ni moins, remarquent amèrement les Espagnols, qu’une prime à l’insurrection; c’est la liberté de travailler à détruire la souveraineté de l’Espagne accordée aux citoyens américains, d’origine ancienne ou d’adoption récente. Veut-on conspirer à peu près à l’aise, dans une sécurité et avec une impunité relatives, il n’y a que deux précautions à observer, dont la première est d’acquérir au préalable la naturalisation américaine, et la seconde de ne pas porter personnellement les armes: moyennant quoi l’on peut tout dire, tout faire et tout faire faire; on ne tombera jamais que sous la juridiction, bénigne en comparaison de la cour martiale, des tribunaux ordinaires. Quand l’autorité espagnole se présentera, si elle l’ose, on l’apaisera en mettant sous ses yeux un papier au timbre des États-Unis : Civis romanus ego sum! En fait, c’est ainsi que les choses se passent, et l’exemple en abonde. Que

  1. El Tiempo, El Siglo futuro, du 26 mars 1896. — Voy. D. Juan-Bautista Casas, la Guerra separatista de Cuba, appendices, p. 484.
  2. Protocole de 1877, entre les États-Unis d’Amérique et l’Espagne, signé par D. Fernando Calderon Collantes et M. Caleb Cushing. (Voy. D. Juan-Bautista Casas, la Guerra separatista de Cuba, appendices, p. 484. Les Espagnols eux-mêmes font, d’ailleurs, l’éloge de M. Caleb Cushing. Voy. dans la Epoca, du 3 décembre 1896, le travail qui a pour titre : La intervencion juzgada pov la diplomacia americana.