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m’embrasser. Cela le préoccupe beaucoup, et il chante comme dans les vaudevilles :


Quel est donc ce mystère ?


Il dit qu’il n’ira pas à Onzin jusqu’à l’été. Mais il se flatte de l’espoir que vous irez à Blois passer quelques jours. Est-ce vrai ? Il dit que vous étudiez une partition avec votre amie. Je croyais qu’il vous était défendu de chanter, et vous ne l’avez pas voulu devant moi, à Dolbeau. C’est bon ! ce sera ma première querelle. Il est toujours bon d’en avoir une en réserve pour fonder son empire. C’est assez votre manière, n’est-ce pas ?

Quelquefois je m’arrête tout à coup au moment de vous écrire. Et vous vous plaignez de ce qu’on ne vous parle pas à cœur ouvert, vous, femme toujours à demi voilée ?


Je rouvre ma lettre pour vous parler d’une lettre que je viens de recevoir de Tours, lettre toute brûlante, tout enthousiaste, d’un jeune homme qui vient de lire Stello et qui se jette dans mes bras en pleurant, mais tout enivré, et dans l’émotion d’une première lecture. C’est un étudiant. Sa lettre est un cri de douleur et de bonheur à la fois. Les jeunes gens forment la partie de la nation qui me répond toujours la première. Quelques jeunes femmes m’ont écrit quelquefois aussi de singulières confidences, presque des confessions, et je ne les ai pas trahies. Mais, sans dire leur nom, je vous donnerai à lire quelques-uns de ces épanchemens d’inconnues qui ont eu besoin de me dire leurs émotions profondes et ne me verront jamais. Il s’agit ici d’un garçon, et je puis bien le nommer. Il signe : Armand R…, étudiant, à l’hospice de Tours. Est-il malade, ce pauvre enfant ? ou élève en chirurgie ? En voyez donc un jeune homme ou quelqu’un s’en informer. Quel qu’il soit, il m’intéresse. Je lui répondrai, mais je voudrais savoir quelque chose de lui, pour mesurer ce que je dirai à sa situation. Quelles sont déjà ses désolations ? Déjà ! Je pourrais le désespérer si je n’y prenais garde. Je vous prie, aidez-moi, et prenez indirectement quelques renseignemens. Si vous m’éclairez, je frapperai juste et je le guérirai par quelques mots… je lui imposerai les mains.