Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/916

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux mains des saints et aux mains des vierges, peut devenir un instrument de relèvement et de rédemption, témoin nos œuvres françaises dans les deux mondes; car, par là, notre France bat toutes ses émules de l’univers catholique, attendu que, presque seule entre les nations catholiques, la France a su demeurer ou redevenir riche. Nous avons là un primato que toutes les combinazioni des prélats italiens ne sauraient, de sitôt, nous enlever. Cela est, pour beaucoup, sachons l’avouer, dans la considération que l’Eglise a pour nous ; et sans faire à ses évêques ou à la chaire romaine l’injure de leur prêter des calculs indignes d’eux, il est hors de doute que, aux yeux de la Rome pontificale, comme aux yeux de la sainte Russie, une France pauvre ne serait plus la France. A Rome comme à Moscou, et au Vatican non moins qu’au Kremlin, notre argent n’est pas étranger à l’estime qu’on a de nous. Le pape, tout comme le tsar, est intéressé à ce que nous soyons riches. Si l’homme ne vit pas seulement de pain, l’Eglise sait que les œuvres ne vivent pas uniquement de la prière ou de la parole de Dieu, et le pain matériel dont elles ne sauraient se passer, c’est nous surtout qui le leur fournissons. Croyans ou libres penseurs, conservateurs ou démocrates, sachons reconnaître les sources réelles de notre puissance, et, si nous voulons maintenir notre ascendant dans le monde, écartons tout ce qui peut porter atteinte à la richesse privée, ou à la richesse publique de la France. Il y va de la grandeur de notre pays.


VI

La Bourse de Paris est une des forces de la France ; on a dit un jour, à la tribune, qu’elle valait un corps d’armée ; c’était plutôt la coter trop bas. Sa puissance, le marché de Paris la doit-il uniquement à la richesse du pays et à l’esprit d’épargne de la nation? Non, il la doit aussi, pour une bonne part, à sa constitution, qui lui a valu, tout ensemble, une grande élasticité et une grande solidité. Il a fait ses preuves, aux époques les plus calamiteuses de notre histoire; si, à de rares momens, il a eu besoin de l’appui de la haute banque, et parfois même de l’intervention de l’Etat, il n’est jamais tombé en défaillance. Ce n’est pas, comme trop d’institutions françaises, une création artificielle de la puissance publique, un mécanisme inerte, mais bien un organisme vivant, né des nécessités mêmes de la vie moderne.