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retrouvant, comme il l’était souvent dans sa chevalerie, un malin Piémontais répondait familièrement à ces preneurs de négociations inutiles : « Avec le Pape il faut beaucoup de formes, de salamalecs, de baisemains, mais une fermeté de fer, et surtout du fait accompli. »

Cavour défendit énergiquement la loi Siccardi : « Parcourez tous les pays d’Europe, dit-il, quels sont ceux qui ont résisté à la tempête révolutionnaire ? ce ne sont ni les princes de l’Allemagne qui tous virent plus ou moins leurs capitales ensanglantées, ce n’est pas la France où un trône s’écroula en quelques heures, ce fut l’Angleterre, le seul pays où les hommes d’Etat dévoués au principe d’autorité, savent accomplir eux-mêmes à temps les réformes nécessaires. Suivez cet exemple, messieurs les ministres ; ne craignez pas, en marchant largement dans la voie des réformes, d’affaiblir le trône constitutionnel confié à vos mains ; vous le fortifierez au contraire, et vous lui ferez pousser dans le sol des racines si profondes que, la tempête révolutionnaire dût-elle se déchaîner de nouveau, non seulement il aura la puissance de lui résister, mais encore celle de rassembler autour de lui toutes les forces vives de l’Italie et de conduire notre nation vers ces hautes destinées auxquelles elle est appelée. » Députés et auditeurs debout unirent leurs voix dans une même acclamation (7 mars 1850).

Victor-Emmanuel secondait d’Azeglio et Siccardi. Il avait eu quelque peine à se plier aux exigences constitutionnelles ; et recevoir des conseils, véritables injonctions en réalité, ne lui plaisait guère. Par exemple, il avait écrit de sa main une lettre au Pape sur l’abolition de l’immunité ecclésiastique. Il chargea d’Azeglio de l’expédier. Celui-ci la lut, ne la trouva pas à son gré, la refit et la renvoya. Le roi lui répondit : « Quand je fais une chose, je sais ce que je fais, et pour dire la vérité, je ne suis pas amateur de conseils. Quand j’en aurai besoin, je vous en demanderai. Malgré cela, ne m’en veuillez pas. Ciao[1], Massimo. Votre très affectionné. » D’Azeglio offrit sa démission. Le roi lui répondit : « Cher Massimo, ne soyez pas si féroce. Je comprends que vous m’avez refait cette belle lettre pour que je dise : Bravo ! Bravo donc, vous dirai-je, puisque vous le voulez. Il n’en reste pas moins vrai qu’avec vos observations vous m’avez donné une patente d’ânerie. Et cependant je crois que je ne suis pas un sot. »

  1. C’est une salutation piémontaise équivalente à l’adieu provençal.