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qui ne s’est jamais découragée ; a-t-elle jamais obtenu une amélioration notable des rapports de la Porte avec ses sujets, un relèvement appréciable de la situation des chrétiens ? Les chrétiens ou un certain nombre d’entre eux n’ont conquis tous leurs droits que quand l’Europe les a aidés à s’affranchir totalement de la domination turque ; le sort de ceux qui la subissent encore n’a pas varié ; moins que jamais, on pourrait aujourd’hui le contester. La diplomatie a arraché aux sultans des firmans de toute sorte qui devaient lui donner pleine satisfaction. Que sont-ils devenus ? Ils sont restés lettre morte. Il a même été promulgué, en 1876, une constitution instituant une sorte de gouvernement responsable avec deux Chambres élues ; dès l’année suivante, la force des choses a tout balayé devant l’impossibilité de mettre sérieusement sur pied un organisme représentatif. Tentatives vaines et toujours déjouées ! Les plus habiles diplomates qui s’y sont dévoués y ont tous échoué. Lord Stratford de Redcliffe, dont le nom revient sans cesse et s’impose en un pareil sujet parce que plus qu’aucun autre il s’est consacré à cette tâche ingrate, a vainement épuisé ses forces, son autorité et son courage dans cette lutte perpétuelle entre le bon vouloir intermittent de la Porte et son incurable impuissance.

A tout bien considérer, l’effort auquel on se livre en ce moment, et auquel participe l’Europe entière, n’est donc qu’un recommencement, une reprise des tentatives si souvent et si vainement renouvelées en maintes occasions, puisqu’il demeure bien entendu que l’on doit s’abstenir, cette fois comme dans toutes les circonstances précédentes, de tout acte de nature à porter atteinte à la souveraineté du sultan. Nul d’ailleurs, ni dans les parlemens ni dans la presse, si on en excepte la première impulsion du sentiment public en Angleterre, et dont on est absolument revenu, nul, disons-nous, n’a osé assumer la responsabilité de suggérer une intervention d’un succès plus certain et plus immédiat. Nous ne relevons certes pas cette abstention avec l’intention de la blâmer ; nous avons un trop vif sentiment des dangers auxquels l’Europe s’exposerait en s’égarant sur un terrain ouvert à toutes les complications, pour ne pas envisager nous-même, avec une extrême inquiétude, une participation plus active. Mais d’un autre côté, comment concevoir, devant un passé relativement récent que nous avons évoqué sans en rien déguiser, comment se persuader que, de notre temps, la diplomatie sera plus habile