Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premier pour s’en tenir exclusivement au second, c’est-à-dire qu’elles ont éliminé l’emploi de la force pour procéder exclusivement par voie de conseils. Cette évolution s’est ostensiblement révélée dans les manifestations successives du sentiment public de l’autre côté de la Manche, et dans le banquet du lord-maire, lord Salisbury a pu, aux applaudissemens unanimes de l’assistance, répudier hautement « toute idée d’une intervention purement anglaise en Orient » et déclarer en outre « qu’il n’y a pour l’Angleterre d’autre attitude sage que d’adhérer au concert européen. » L’Europe apprenait ainsi que le cabinet britannique renonçait, en dépit de certaines excitations qui avaient, un moment, égaré l’opinion, à diriger ses flottes contre l’assassin de Constantinople ; que dans son opinion il existait, on Turquie, une souveraineté qu’il fallait savoir respecter, et que, pour sa part ; il était résolu à collaborer diplomatiquement avec les autres puissances, pour rechercher des combinaisons pacifiques en vue de rétablir l’ordre et la paix publique dans l’empire ottoman.

Dans un langage élevé, à la fois ferme et modéré, avec l’accent d’une éclatante sincérité, M. Hanotaux, avant lord Salisbury, avait développé, devant la Chambre des députés, les principes de cette politique, et il en avait logiquement déduit toutes les conséquences. La France, a-t-il dit en substance, ne reculera devant aucun effort pour exiger de la Porte, de concert avec les autres cabinets, toutes les réformes que commande impérieusement l’état actuel des choses en Turquie ; elle ne saurait toutefois lui demander des concessions qui seraient de nature à porter atteinte à sa souveraineté ou à compromettre son existence. C’est le thème que le chef du cabinet britannique a exposé, à son tour, avec moins de précision et de développemens. En cette occasion, notre ministre des Affaires étrangères s’est sagement inspiré de la politique traditionnelle de la France. Les autres puissances continentales l’ont, semble-t-il, agréée, et l’accord, dans ce cas, se trouverait solidement établi. Se maintiendra-t-il jusqu’à l’achèvement de la tâche commune ? Comment en demeurer convaincu quand on a dû, comme nous, évoquer les hostilités et les contradictions dont la diplomatie ou plutôt les cabinets eux-mêmes ont donné le spectacle à Constantinople dans cette question d’Orient, si bien faite d’ailleurs pour énerver les plus solides tempéramens, pour troubler les convictions les mieux assises ? L’Angleterre s’est alliée à la France et a entrepris la lourde guerre de