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S’il fallait, en terminant cette étude, répondre à la question posée au début : Wronski était-il un charlatan, un fou ou un homme de génie ? j’oserais, sans hésitation, le déclarer fou ; c’est l’interprétation la plus favorable de ses actes et de ses écrits. La folie chez lui explique le charlatanisme, fait pardonner l’imposture, et permet de croire au génie empoisonné par elle.

Balzac a créé le personnage d’un grand peintre soupçonné de folie, non sans raison, qui, devenu amoureux de son plus beau chef-d’œuvre, ferme rigoureusement la porte de son atelier, pour y travailler et l’embellir sans cesse. Cédant aux prières de deux admirateurs, il leur montre avec orgueil, mais avec jalousie, un barbouillage de couleurs confusément juxtaposées et contenues dans une multitude de lignes bizarres qui forment des murailles de couleur. Avant de se retirer tristement, les deux amis du peintre, dans un coin de la toile, découvrent, pétrifiés par l’admiration, le bout d’un pied nu, sortant de ce chaos de couleurs, de tons, de nuances indécises, espèce de brouillard sans forme. C’est un pied délicieux, un pied vivant, qui semble sortir d’une boue irisée.

Souhaitons à l’Académie de Cracovie de découvrir, dans les œuvres inédites de Wronski, ce pied admirable et charmant On ne saurait le payer trop cher.

J. Bertrand.