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pôle négatif un état d’apyrexie. Comme tel, le choléra est une maladie fiévreuse de deuxième ordre, résultant d’une espèce de concours de pyrexie et d’apyrexie.

Le mal étant connu, le remède est facile, ainsi que la prophylaxie. Wronski a prévu la marche et les progrès du choléra, contre lesquels les cordons sanitaires seront impuissans. Sa brochure, de quelques pages seulement, est aujourd’hui hors de prix.

L’esquisse rapide de l’œuvre scientifique de Wronski peut excuser les savans qui refusent d’inscrire son nom dans l’histoire de la science. Wronski crovait en lui-même ; c’est avec sincérité qu’il proclame son propre génie. Il a cru à ses formules pour résoudre l’équation du cinquième degré, à sa théorie de la lune, à sa machine à vapeur dynamogène, et, j’en suis persuadé, à la locomotion spontanée. Il a douté peut-être, sans jamais l’avouer, de la loi téléologique du hasard ; elle mettait une immense fortune à sa disposition ; il n’est pas supposable qu’il ait négligé d’en constater l’illusion.

Les écrits de Wronski sur la philosophie, la politique et la religion formaient à ses yeux la partie majeure de son œuvre. Les découvertes mathématiques avaient pour but d’imposer la confiance dans les autres.

Sur ce terrain de plus facile accès, Wronski conserve les allures mystérieuses. Son génie a soulevé et déchiré tous les voiles, et pénétré dans le sanctuaire de la création, jusqu’à l’intime essence du créateur. Il sait dans quelles conditions les lois de la création permettent les miracles ; il connaît les fins de l’humanité, la loi des nations, le secret de leurs buts successifs. Il a trouvé la solution des vingt et un problèmes que le messianisme doit résoudre, mais le jour n’est pas venu. Pour l’Occident, il est trop tar d; pour l’Orient, il est trop tôt. S’il parlait prématurément, les conséquences seraient effroyables. Quelles étaient ces grandes découvertes ? Quel est surtout le principe dont elles sont le corollaire ? Ni les savans, ni les philosophes ne l’ont deviné ; il est vrai qu’ils le cherchent peu ; M. Ravaisson, dans son beau tableau des travaux philosophiques du siècle, ne leur a accordé aucune place. Wronski se disait catholique, mais donnait des conseils au pape. Il maudissait la bande mystérieuse qui, en France, après avoir étouffé le protestantisme, à l’époque de la Ligue, suscité plus tard les jansénistes, avait dirigé contre lui ses efforts et ses trames, en suscitant l’infidélité d’Arson.