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améliorations promises. Au congrès de Paris, les plénipotentiaires ottomans furent autorisés à communiquer les firmans octroyés par le sultan, destinés à améliorer le sort de ses sujets, et les cours contractantes en constatèrent la haute valeur (article 9 du traité). On ne pouvait promettre plus solennellement à l’Europe de tenir compte de ses vœux et de s’y conformer.

A Berlin, vingt-deux ans plus tard, quand une longue période s’était écoulée sans apporter aucun résultat satisfaisant, quand déjà on pouvait pressentir l’impuissance ou le mauvais vouloir d’un souverain nouveau, entouré de conseillers disposés à méconnaître les vues de leurs prédécesseurs, les puissances se montrèrent plus absolues et, empruntant au traité de San-Stefano des clauses impératives, elles exigèrent que la Porte s’engageât expressément « à réaliser, sans plus de retard, les réformes qu’exigent, dit le traité, article 61, les besoins locaux dans les provinces habitées par les Arméniens et à garantir leur sécurité contre les Circassiens et les Kurdes. Elle donnera, ajoutait-on, connaissance périodiquement des mesures prises à cet effet aux puissances qui en surveilleront l’application ». Prenant acte de la volonté exprimée par la Porte de maintenir le principe de la liberté religieuse, les puissances retiennent (article 62) que « dans aucune partie de l’empire ottoman, la différence de religion ne pourra être opposée à personne comme un motif d’exclusion ou d’incapacité en ce qui concerne l’usage des droits civils et politiques, l’admission aux emplois publiques, aux fonctions, aux honneurs, enfin l’exercice des industries ». Cette fois la Turquie ne se bornait pas à multiplier ses assurances ; elle contractait des engagemens synallagmatiques dans un acte conventionnel que le souci de son honneur lui commandait, aussi bien que ses plus précieux intérêts, de remplir fidèlement.

Or voilà plus d’un demi-siècle que l’Europe, après l’avoir défendue par les armes en 1840 et en 1855, s’évertue à relever la Turquie de son abaissement, en l’incitant à racheter ses plus funestes erreurs ; qu’elle lui recommande, sous toutes les formes, de faire bonne et égale justice à tous ses sujets, de se conformer aux règles essentielles de tout gouvernement digne de ce nom. Les hommes qui, les premiers, ont attaché leur nom à la cause de la réforme, sont morts sans qu’il leur ait été concédé de tirer du néant l’œuvre à laquelle ils s’étaient dévoués. Ils ont laissé, derrière eux, des continuateurs timides ou réfractaires, n’ayant ni leurs lumières ni leur autorité, n’étant certes pas, pour la