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LA QUESTION D'ORIENT.

résolutions des alliés de la Porte. On s’entendit sur cette double base à l’exclusion de la France qui ne pouvait consentir, même éventuellement, à dépouiller Mehemet-Ali de l’Egypte dont il avait, avec notre assistance, relevé l’antique prospérité. L’Angleterre se chargea de l’exécution des mesures arrêtées à Londres ; elle déploya des forces maritimes considérables unies à de faibles contingens de troupes de débarquement turques et autrichiennes ; à l’aide de l’insurrection que de nombreux agens surent provoquer dans tout le Liban, les amiraux mirent rapidement en pleine déroute l’armée égyptienne qui dut se réfugier sous le canon de Saint-Jean-d’Acre. Après ce premier succès, l’amiral Napier fut envoyé devant Alexandrie ; il ouvrit, avec Mehemet-Ali, des négociations qui aboutirent à des préliminaires de paix devenus plus tard, par un nouvel accord de toutes les puissances, la France comprise, les bases de l’arrangement en vertu duquel l’Egypte a été constituée en vice-royauté au profit de son fondateur et de sa descendance.


III

Nous avons dû évoquer sommairement les faits qui ont marqué cette période historique, parce qu’ils imprimèrent un caractère aigu et passionné aux compétitions internationales qui divisaient déjà la diplomatie à Constantinople, et d’où sont sortis les conflits sanglans, relativement récens, auxquels a donné lieu la question d’Orient. L’Angleterre, en effet, n’avait pas seulement provoqué les conférences de Londres ; elle avait en outre pris et gardé la direction des opérations diplomatiques et militaires ; elle avait été à peu près seule à la peine, elle entendait être la première à l’honneur et recueillir le bénéfice des sacrifices qu’elle s’était imposés. Elle parla haut et ferme à Constantinople, exigeant des témoignages d’une gratitude effective. Ayant joué le premier rôle pendant la guerre elle voulut le conserver après la conclusion de la paix. Elle chargea du soin de le revendiquer un diplomate digne de sa confiance, lord Stratford de Redcliffe, qui sut imposer aux Turcs, plus troublés que reconnaissans, la prépondérance de son gouvernement, et mieux encore, son autorité personnelle. Nous avons raconté le rôle que cet agent impérieux et habile a joué jusqu’à la guerre de Crimée[1]. Envoyé à

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 1er mars 1893.