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mesure qu’elles deviennent plus abondantes. A en croire les journaux radicaux et socialistes, il n’y a pas en ce moment dans le cabinet deux ministres qui pourraient se regarder sans froncer le sourcil : c’est le contraire des augures antiques. A la fin des vacances, ils n’ont conservé entre eux une paix apparente qu’en se séparant et en fuyant le plus loin possible les uns des autres. Ceux-ci sont restés à Paris, ceux-là sont allés à Cannes, à Nice, à Menton, ne pouvant même pas, de crainte d’y causer quelque scandale par leurs querelles, se réunir, pour s’y reposer au soleil, dans la même ville. Telles sont les armes actuelles de l’opposition : personne ne les lui enviera. A l’ouverture d’une session nouvelle, et surtout d’une session dont nous venons d’indiquer le caractère compliqué, il est téméraire de tirer des horoscopes : cependant la conjonction des astres paraît favorable au ministère, et il y a lieu d’espérer qu’après avoir doublé les caps les plus difficiles, il a devant lui un certain nombre d’étapes à peu près assurées.


Le 23 décembre dernier, M. de Nélidof remettait au sultan une courte note dont voici le texte : « L’ambassadeur de Russie est chargé de déclarer au gouvernement ottoman que, s’il porte atteinte aux droits du Conseil de la Dette publique, ou touche aux revenus qui ont été concédés aux porteurs de bons turcs, la Russie se verra obligée de réclamer, à l’égal des autres puissances, l’institution d’une commission financière internationale, prévue par le protocole 18 du Congrès de Berlin, commission qui serait chargée d’étudier la situation financière de l’empire ottoman et de fixer la part de revenus qui pourrait être attribuée à ses créanciers. Comme, en de pareilles circonstances, et en vertu du décret même de Moharrem, l’engagement conclu entre le gouvernement ottoman et ses créanciers deviendrait caduc et que ces derniers reprendraient tous leurs anciens droits, le gouvernement impérial se plaît à espérer que la Sublime Porte comprendra combien cette éventualité pourrait lui devenir funeste et s’abstiendra de tout acte susceptible de l’amener. »

Nous l’espérons aussi, d’autant plus que rien dans son attitude n’a donné à craindre que le gouvernement ottoman ne fût pas fidèle aux engagemens qu’il a pris envers ses créanciers par le décret du 28 Mauharrem 1299, c’est-à-dire du 8/20 décembre 1881, engagemens qu’il a tenus jusqu’à ce jour d’une manière parfaitement correcte. La démarche du gouvernement russe n’en a pas moins un intérêt considérable ; mais, pour le bien comprendre, il faut entrer dans quelques explications préalables. Nous n’avons pas parlé encore d’un incident