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confiance que l’Assemblée lui a donné dans sa séance du 3 janvier. »

La discussion fut plus calme qu’on ne l’attendait. Berryer déclare qu’il ‘est temps d’arrêter des tentatives réitérées d’omnipotence personnelle. Il trouve abominable que des soldats se soient permis de crier : Vive Napoléon ! et il crie à la tribune : « Vive le Roi ! » Il se vante d’être allé à Wiesbaden saluer l’exilé qui ne peut pas poser le pied sur cette terre que les rois ses aïeux ont conquise, agrandie, constituée, sans être le premier des Français, le roi ! — Baroche riposte : « De quel droit attaquez-vous de prétendues manifestations impérialistes, vous qui portez avec éclat votre hommage à un prétendant et qui arborez à cette tribune le drapeau de la légitimité ? Le gouvernement ne veut ni une restauration monarchique pour la branche aînée ou la branche cadette, ni une restauration impériale. Quant à présent il ne voit de salut pour la France que dans le gouvernement républicain, et c’est sur ce terrain constitutionnel et légal qu’il fait appel aux bons citoyens de tous partis. » Changarnier, un peu embarrassé, sans entrer dans aucun détail, assure « qu’il n’a favorisé aucune faction, aucune conspiration, aucun conspirateur. » Il ne se risque pas à attaquer le Président en face, il insinue discrètement que sa présence aux Tuileries n’a pas été inutile à l’Assemblée. « Si mon épée est condamnée à un repos momentané, elle n’est pas brisée, et, si un jour le pays en a besoin, il la retrouvera bien dévouée et n’obéissant qu’aux inspirations d’un cœur patriotique et d’un esprit ferme très dédaigneux des oripeaux d’une fausse grandeur. » — Lamartine oppose aux méfiances les déclarations formelles du Message, et Charras s’écriant : « Non, c’est de l’hypocrisie ! » il répond : « Quand un homme élevé profère, sans y être obligé, un nouveau serment, je le crois. »

Thiers alors entre en scène. Depuis le discours sur le Motu proprio de Pie IX, ses relations avec l’Elysée, sans se rompre, s’étaient refroidies. Il vient les rompre à la tribune. Quel motif l’amena à cet éclat ? On a prétendu qu’à Claremont la Duchesse d’Orléans avait mis sur ses genoux en le lui recommandant son jeune fils, touchante imploration qui l’aurait attendri et décidé à sauvegarder les droits du Comte de Paris, en écartant les deux prétentions qui les menaçaient : la fusion et la prorogation des pouvoirs présidentiels. Thiers n’avait pas coutume de guider sa conduite par des sentimentalités. La véritable explication me