Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE VOYAGE DE M. FELIX DUBOIS
A TOMBOUCTOU

Si beaucoup de gens sont condamnés à mourir sans avoir vu Carcassonne, il en est bien plus encore qui ne verront jamais Tombouctou. M. Félix Dubois rêvait déjà sur les bancs du collège de visiter la métropole de l’Ouest Africain. Il s’y est rendu par le Sénégal, le Soudan français et le Niger, et il a fait un récit de son voyage si animé, si attachant, qu’il inspire aux plus casaniers de ses lecteurs l’envie de partir, eux aussi, pour Tombouctou[1].

Ce n’est pas tout que d’aimer à courir ; dans le continent noir plus que partout ailleurs, il faut savoir voyager, être philosophe, se contenter de peu, se passer du superflu le plus nécessaire. M. Dubois a les qualités et les vertus du vrai voyageur, l’intense curiosité, l’œil gai, cette humeur ardente que rien ne refroidit, une patience à l’épreuve des contrariétés, des mécomptes, des lassitudes, des dangers. Avant d’arriver au Niger, dont il devint amoureux à première vue, il avait dû se rendre de Dioubéba à Bammako, en cheminant à travers la brousse, et la brousse lui avait paru délicieuse : « Le manger est médiocre, l’eau est médiocre, le coucher est médiocre et la santé parfois précaire. Seules, la chaleur et la fatigue sont de qualité supérieure, et cependant tout cela vous donne du contentement plein le cœur. » Il nous explique que ce qui rend si exquises les heures de brousse, « ce sont les sensations qui se greffent autour des incommodités et les tableaux qui les accompagnent ; c’est l’ensemble de la vie des gens, des bêtes, des forêts et des plaines, restés tels qu’il y a des milliers et des milliers d’années ; c’est vous, les contemplant avec des milliers d’années de civilisation dans les veines. »

  1. Tombouctou la mystérieuse, par Félix Dubois ; Paris, 1897, librairie E. Flammarion.