Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’aurait accès qu’en se montrant parfaitement orthodoxe et suffisamment conservateur. L’isolement se fait, pourtant, autour de M. Stoecker chef de parti ; les deux acolytes auxquels il avait jadis confié la direction du Volk, M. Oberwinder et M. de Gerlach, ont passé au camp des « jeunes » ; et comme si cette grande figure, fatalement, devait être sans cesse rapetissée par de mesquins incidens, elle offre une proie facile, en ce moment même, aux chroniqueurs judiciaires de l’Allemagne, qui racontent une récente condamnation de M. Stoecker pour calomnie, et discutent si tel magistrat, qui naguère siégea dans l’un des nombreux procès du prédicateur, avait ou non une maladie du cerveau. M. Stoecker, qui voulait être un agent de l’histoire, est devenu, provisoirement, la victime de l’historiette.

Le christianisme social, second bouc émissaire des contrariétés de l’empereur, se porte mieux que M. Stoecker. Mais par l’effet des secousses subies, il change lentement de caractère, et commence une évolution dont nous résumerions volontiers les traits principaux en disant qu’il se laïcise et qu’il se rapproche du socialisme. Qu’il se laïcise, c’est une nécessité, puisque les « pasteurs politiques » sont tancés et tous leurs collègues étroitement surveillés, et puisque les réunions où le mouvement social se poursuit leur sont parfois interdites, comme vient de l’être à M. le pasteur Werner, de par la volonté du conseil suprême, l’ « assemblée nationale-sociale » d’Erfurt. Et sans doute les congrès évangéliques sociaux ne sont point suspendus : on a tenu en mai celui de Stuttgart, et l’auditoire, après un très adroit rapport de M. le pasteur de Soden, qui d’ailleurs valut à son auteur l’ennui d’une instruction disciplinaire, a respectueusement réclamé pour l’Eglise évangélique le droit de « rechercher les motifs des dommages sociaux et moraux et de travailler à en triompher, dans la mesure des devoirs qui en résultent pour les pasteurs. » Mais dans ce congrès lui-même, d’où M. Stoecker, le créateur de l’institution, avait été écarté par un raffinement d’ostracisme, il semble que les laïques aient joué un plus grand rôle que dans les précédens ; ils auront à l’avenir plus de liberté pour exposer toutes les conséquences sociales qu’une fraction de la pensée protestante, dédaigneuse d’une Eglise domestiquée, se plaît à induire du christianisme ; et les incidens des deux dernières années ont justement entraîné dans le courant évangélique-social tout un afflux de laïques. M. Delbrück, avec sa finesse habituelle, indiquait ce phénomène, il n’y a pas longtemps, dans les