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Que si M. Stoecker, à ce tournant de sa carrière, vous faisait l’effet d’un vaincu, détrompez-vous : il est encore un vainqueur. Par une coïncidence édifiante, véritable leçon de désintéressement et de détachement, ces années 1889 et 1890, qui détruisirent à jamais une partie des espérances politiques de M. le pasteur Stoecker, marquèrent en même temps l’époque culminante de ce qu’on a qualifié, non sans quelque impropriété, le « socialisme » des Hohenzollern. Depuis 1881, le césarisme et le parlementarisme avaient commencé de concourir entre eux pour doter l’Allemagne d’une législation sociale : Guillaume Ier, dans plusieurs messages remarqués, avait réclamé la « guérison des maux sociaux » et un « développement positif du bien-être des travailleurs » ; et ces lignes, adressées à son Parlement, étaient moins l’expression d’un vœu que la définition de son devoir d’empereur, que son Parlement lui devait permettre de remplir. Se piquant de continuer l’aïeul, et jaloux d’apparaître ; aux yeux de l’univers comme le deus ex machina qui dénouerait le problème social, Guillaume II, à la date du 4 février 1890, expédia au chancelier de l’Empire et au ministre des travaux publics ces fameux rescrits sociaux que Manning, peu de jours après, saluait comme « l’acte le plus sage et le plus digne qu’eût fait un souverain de notre époque. » « J’ai annoncé dès mon avènement, écrivait le jeune empereur, ma décision de poursuivre le développement de notre législation dans le sens que mon grand-père, qui repose en Dieu, a lui-même marqué, en s’occupant, dans l’esprit de la morale chrétienne, de cette partie du peuple qui est économiquement la plus faible. » Et le 15 mars 1890, M. de Berlepsch, ouvrant la conférence internationale de Berlin, proclamait au nom de son maître que chercher une solution de la question ouvrière n’est point seulement un devoir de charité, mais aussi un devoir de gouvernement. Or si l’on veut trouver à ces déclarations un commentaire historique anticipé, qui en donne la genèse en même temps que le sens, c’est à deux sources qu’il faut recourir : d’une part, les nombreux documens législatifs et écrits théoriques émanés, depuis 1818, du parti catholique allemand ; d’autre part, cette littérature plus restreinte qui, depuis 1878, portait la signature ou trahissait l’inspiration du pasteur Adolphe Stoecker. Porte-drapeau de l’idée sociale évangélique, on le congédiait, en l’accusant d’avoir ravalé cette idée parmi les intrigues du Parlement ; mais c’est elle qui dictait les actes de l’Etat ; soustraite à la disgrâce du leader qui l’avait révélée et