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par une population presque aussi purement britannique que celle du Royaume-Uni.

C’est d’elle seule qu’on est en droit de dire, en toute rigueur, que son origine, son histoire, sa littérature lui sont communes avec l’Angleterre. Si l’on en pouvait dire autant des principes et des intérêts, non seulement de la population australienne, mais de toute la population de langue anglaise de l’empire, la fédération serait sans doute bientôt faite : les Français du Canada ne chercheraient pas à l’empêcher ; les Boers du Cap et de Natal ne l’essayeraient pas non plus. Pour laisser en ce moment de côté la question des intérêts, quels sont donc les principes et les traditions qui unissent les Anglais et leurs frères de race des colonies, quels sont ceux qui les divisent ? En quoi se ressemblent, en quoi diffèrent ces hommes de même race qui n’habitent pas sous les mêmes cieux ?

Ce sont les similitudes qui frappent au premier abord un étranger arrivant dans les colonies britanniques : l’Anglo-Saxon a partout le même genre de vie, les mêmes habitudes, les mêmes plaisirs. Au Canada, en Australie, au Cap, sa maison diffère aussi peu que possible de ce qu’elle est en Angleterre : à peine les modifications nécessaires pour s’adapter au climat plus froid ou plus chaud. Mais toutes ces habitations particulières semées dans les suburbs, dans les faubourgs des villes, dont le centre est exclusivement réservé aux affaires, conservent les allures générales des cottages anglais, et l’installation intérieure en est exactement la même. Les jardins, petits ou grands, qui les entourent, sont enclos de murs, de haies vives, parfois seulement de barrières en planches, mais en tout cas de clôtures assez élevées qui ne permettent guère aux passans de jeter dans l’intérieur des regards indiscrets et de violer l’intimité du home. A Victoria, la capitale de la Colombie britannique, le cocher américain qui me promenait dans la ville nie faisait remarquer, avec un haussement d’épaules, la manie qu’avaient « la plupart de ces Anglais de s’enfermer ainsi hermétiquement, comme s’ils voulaient se cacher. » Dans les villes des Etats-Unis, les jardins ne sont entourés le plus souvent que d’une simple grille à jour qui permet de voir tout ce qui s’y passe, parfois un simple carré de gazon où jouent les enfans s’étend devant l’habitation sans être séparé de la rue autrement que par les trois ou quatre marches d’un perron.