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parce que je vous écris avec des plumes de fer trop fines qui déchirent le papier, et parce qu’une heure sonne après minuit.

Bonsoir.


XIV


Au Maine-Giraud, samedi 27 novembre 1852.

Puisque vous voilà retournée dans votre manoir, lisez donc, pendant que je la lis aussi dans mes bois, l’Histoire de la Restauration de Lamartine. J’en achève le septième volume ; vous y verrez une sorte de reproche qu’il me fait de ma solitude, et vous me direz l’impression que vous aurez reçue de ses jugemens. Il y a de beaux tableaux, et des portraits ressemblans, dont vous serez frappée et quelquefois émue. Vous pourriez déjà, s’il a l’esprit assez attentif pour suivre un récit, faire lire à votre Hector des fragmens que l’on peut détacher, tels que la bataille de Waterloo, la chute de Napoléon, la mort de Murât, la guerre d’Espagne, et les luttes habiles de Louis XVIII, qui a la gloire d’être mort sur le trône de France, seul souverain couché à Saint-Denis depuis Louis XV.

Un soir, seule avec votre enfant, vous choisirez (voilà mon ordonnance de Docteur-Noir), vous lirez vous-même un de ces tableaux, il dormira par là-dessus, s’en souviendra malgré lui dans son sommeil, et vous en parlera le lendemain tout le jour ; et il aura reçu ainsi pour sa vie entière une impression vive, profonde, colorée, de l’histoire de France la plus récente, dont nous avons vu les personnages.

Vous m’avez là dans un ermitage, encore sous mon capuchon, et vous n’en profitez pas pour causer avec un peu de réflexion, de calme, et d’abandon. — Vous avez tort, Alexandrine ; une fois à Paris, je n’en aurai plus le temps. Je cherche à deviner ce qui plaît à votre amie et à quoi elle s’attache dans ses réflexions. Vous ne me le dites pas assez. Puis-je penser que dans les longues et silencieuses journées de la campagne vous n’ayez pas une heure de retraite et de rêverie pour me parler comme vous avez fait quelquefois de vos lectures, de vos occupations, de votre famille ?


XV


Au Maine-Giraud, le 25 janvier 1853.

Voici un abus de pouvoir abominable que vous commettez, ma belle cousine. Vous êtes la plus injuste des nièces en accusant