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De part et d’autre, on a évité tout ce qui aurait pu obstruer les abords mêmes de la négociation de controverses théoriques peut-être insolubles. On a compris que la meilleure manière de traiter les capitulations était de le faire par prétention, c’est-à-dire de n’en point parler. Pour nous, elles n’existaient plus. Pour l’Italie, la question était de savoir si, dans l’application à la Régence du droit européen, du droit dont se contentent pour elles-mêmes toutes les nations civilisées, les intérêts de ses citoyens trouveraient des garanties suffisantes. Il aurait été surprenant que, la question ayant été ainsi posée, on n’arrivât pas à s’entendre. Aussi y est-on arrivé. Il a fallu pour cela un certain appareil d’instrumens diplomatiques ; il a fallu faire trois conventions, et peut-être en fera-t-on encore d’autres, moins importantes, parce qu’on a dû pourvoir à tous les besoins d’une situation qui ressemblait un peu à une table rase. Le traité de 1868 étant expiré, les capitulations étant laissées volontairement dans l’oubli, on a fait un traité de commerce et de navigation, un traité consulaire et d’établissement, enfin un traité d’extradition. Au point de vue où on s’était placé, ces traités se sont trouvés d’ailleurs faciles à rédiger, car les modèles ne manquaient pas : il suffisait d’européaniser la Tunisie, c’est-à-dire de lui appliquer les règles ordinaires du droit des gens entre nations européennes. Sa situation spéciale exigeait sans doute quelques dispositions spéciales aussi et transitoires, afin de consacrer, comme à la suite d’un inventaire, les institutions italiennes préexistantes, écoles, hôpitaux, etc. Sur ce point il ne pouvait pas y avoir de notre part de difficultés sérieuses, puisque nous voulions faire œuvre de conciliation et d’amitié. Les nouveaux arrangemens ont été signés à Paris le 28 septembre. C’est du moins la date qu’on leur a donnée. Il semble bien que l’entente n’ait été parfaite qu’un peu plus tard ; mais cela n’a aucune importance. Ce léger retard a permis seulement au gouvernement tunisien de promulguer, sous forme de décret exécutoire au bout de quelques jours, le tarif de douanes qui devrait être appliqué aux produits italiens si on ne parvenait pas à se mettre d’accord. Ce n’était pas une menace, mais un avertissement.

Aux trois conventions applicables à la Tunisie est venue s’en ajouter une quatrième, traité direct de navigation entre la France et l’Italie, qui répare en partie les brèches faites, par la dénonciation des anciens traités, dans les rapports économiques des deux pays. C’est là une œuvre qui pourra être poursuivie. Dès maintenant, on peut dire que la bonne volonté dont les deux gouvernemens ont fait preuve dans le règlement des questions tunisiennes est de bon augure pour l’avenir. Nous sommes de ceux qui ont toujours pensé qu’il y avait eu surtout des malentendus entre l’Italie et la France : ces malentendus devaient durer aussi longtemps qu’on croirait avoir intérêt à les entretenir. Les cris de colère poussés par les journaux crispiniens, lorsqu’ils