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à la Suède dès le lendemain de la signature du traité. La France faisait au contraire observer qu’étant encore liée vis-à-vis de la Suède par un traité qui ne devait prendre fin que dans dix mois, elle ne pouvait pas prêter assistance aux deux belligérans à la fois. Comme l’objection était juste, la difficulté parut encore de celles sur lesquelles il ne serait pas impossible d’arriver à une entente. Mais une difficulté plus sérieuse, et qui devait malheureusement devenir la pierre d’achoppement, surgit à propos du mode d’exécution de la garantie mutuelle.

Un article séparé et destiné à demeurer secret du projet du traité allait jusqu’à prévoir la composition et l’effectif des forces que l’exécution de la garantie mutuelle obligerait, le cas échéant, chacune des parties contractantes, d’envoyer au secours de l’autre, à première réquisition. Ces forces devaient comprendre non seulement de l’infanterie et de la cavalerie, mais des troupes de marine. Les chiffres seuls étaient laissés en blanc, pour être ultérieurement fixés. Mais le maréchal d’Huxelles, qui dans toute cette négociation paraît avoir fait preuve d’un esprit un peu timide peut-être, mais judicieux, faisait observer que le projet russe semblait toujours supposer que les troupes du Tsar se joindraient à celles du Roi. « Or, il est aisé de prouver, disait-il avec raison, que si la guerre était déclarée, cette jonction deviendrait impossible. Ainsi, il faut fixer l’effet de la garantie à une diversion », et il ajoutait : « Comme l’on veut agir de bonne foi, il ne faut pas dissimuler au ministre du Tsar que nous ne croyons pas que la France puisse donner d’autres secours au Tsar que des subsides, et que nous comptons aussi que le Tsar ne peut nous secourir que par une diversion[1]. »

Ce fut sur cette question de la jonction ou de la diversion qu’il devint impossible de s’entendre, le négociateur français insistant pour que le cas de diversion fût stipulé, les négociateurs russes et prussiens s’y refusant. Toutefois, la difficulté principale ne

  1. Aff. étrang. Corresp. Moscovie, t. VIII. Ces observations du maréchal d’Huxelles sont en regard du projet de traité, rédigé par Schafiroff et Kourakin, dont le texte est sur deux colonnes.