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été effectués ; on a reconnu les eaux souterraines, étudié le régime des puits jaillissans ; mais sur nombre de points, si les études sont achevées, l’argent manque pour entreprendre les forages et les travaux de canalisation. Or, dans tous les pays nais-sans que j’ai visités, c’est dans les travaux d’irrigation que l’initiative privée et les capitaux individuels ont trouvé leurs plus rémunérateurs emplois. Mieux et plus sûrement encore que les mines les plus riches et les terres les plus fertiles, ces travaux ont enrichi leurs actionnaires, car sans eux les mines sont improductives et les terres sans valeur. Il en sera de même en Algérie, l’eau y étant encore plus nécessaire qu’ailleurs, sauf dans certaines régions de l’Australie, et la terre y étant aussi féconde. Il y a là, pour les capitaux français, un placement lucratif, à la condition d’opérer sur des données soigneusement étudiées.

Si sérieuse que soit la crise que l’Algérie traverse depuis plusieurs années, si plausibles que puissent paraître les allégations pessimistes des uns et les appréhensions des autres, l’Algérie n’en constitue pas moins, après plus d’un demi-siècle, l’une des plus légitimes et des plus glorieuses conquêtes de la colonisation et de la civilisation, un facteur important à l’actif de la France et de l’humanité. Placement onéreux encore pour la France, j’en conviens, mais placement d’avenir, et de très grand avenir pour qui sait voir. Le jour approche où les plus incrédules le reconnaîtront. A l’heure actuelle, l’Algérie figure au cinquième rang dans l’ensemble de nos échanges extérieurs, après l’Angleterre, la Belgique, l’Allemagne et les Etats-Unis, immédiatement avant la Russie, pour une somme de 407 millions. J’ai, ainsi que je le disais, commencé ce travail d’enquête et d’observation sous une impression pessimiste, redoutant, d’après ce que j’avais lu et entendu, de n’avoir à constater que d’affligeans résultats ; je l’ai poursuivi sans autre souci que celui de la vérité ; je le termine sous une impression qui sera, je crois, celle de tous ceux qui voudront, par une étude impartiale, se faire une opinion mûrement réfléchie. J’ai dit le mal et le bien, signalant l’un sans amertume, approuvant l’autre sans parti pris, n’ayant nul souci de m’ériger en détracteur ou en panégyriste, soucieux seulement de dégager de l’ensemble d’assertions contradictoires et de phénomènes complexes une opinion sérieuse et motivée.


C DE VARIGNY.