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Autour d’Oran gravitent d’importans centres coloniaux : des villes, comme Tlemcen, Sidi-Bel-Abbès, renfermant de 20 000 à 30 000 habitans, des communes comme Mascara, Mostaganem, Saint-Denis-du-Sig, peuplées de plus de 10 000. Centres agricoles, ils témoignent de l’effort constant, persévérant du colon. On y peut constater, mesurer ses conquêtes, la mise en valeur du sol, la plus-value ajoutée par lui à l’actif de l’humanité. Ici, comme à Sétif et Batna, comme dans les nombreux villages de la, province d’Alger, les résultats obtenus et aussi la somme de labeur dépensée frappent les yeux. L’avenir de l’Algérie est dans ces familles où nul n’est oisif, dans ces champs défrichés, dans ces fermes où, comme dans l’ouest des États-Unis, la population s’accroît, la fécondité humaine correspondant à la fécondité de la terre.

Dans une série de lettres adressées au Journal de Genève et depuis réunies en un volume[1], que nous recommandons à l’attention de ceux de nos lecteurs qui s’intéressent aux choses de l’Algérie, M. A. de Claparéde, diplomate distingué et écrivain de talent, raconte qu’un jour un voyageur étranger, et qui venait de parcourir la colonie, interrogé par le maréchal de Mac-Mahon, alors gouverneur général, sur ce qu’il pensait de l’Algérie, lui répondit : « Je pense à tout ce que les Anglais eussent fait de ce pays s’il leur eût appartenu. » La réponse était blessante, et le vainqueur de Magenta coupa court à l’entretien. Etait-elle justifiée ? Nul doute que, vainqueurs comme nous, les Anglais n’eussent procédé autrement que nous ; mais eussent-ils fait mieux ? On citera les États-Unis et l’Australie. Examinons. Aux États-Unis, que l’Angleterre a d’ailleurs perdus, j’ai vu un sol vierge, sillonné de grands fleuves, fertile entre tous, un climat tempéré, un habitat prédestiné pour la race blanche ; ensuite une race autochtone clairsemée, incapable de lutter, décimée et aujourd’hui presque anéantie ; puis l’esclavage florissant, le sol défriché et mis en valeur par les noirs ; un sous-sol d’une incomparable richesse : la houille, le fer, le plomb, le pétrole ; enfin des découvertes inespérées : des gisemens d’or et d’argent comme le monde n’en avait jamais connu, provoquant une immigration comme le monde n’en avait jamais vu. En Australie : l’autochtone supprimé, un continent entier où le colon se découpait des fermes et des pâturages grands comme nos départemens, où le sol était à qui voulait, où nul ne le réclamait et ne le défendait, puis, là encore, une formidable immigration attirée par l’appât de l’or, par la découverte de métaux précieux à faire pâlir la Golconde antique.

  1. En Algérie, 1 vol. in-8o ; Fischbacher.