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Tant d’avantages justifient-ils les craintes qu’inspire aux hôteliers d’Alger la concurrence éventuelle de Biskra au point de vue des hiverneurs ? Je ne le crois pas. Si Biskra, en tant que station thermale et hivernale, est appelée à attirer à elle un certain courant de valétudinaires, elle n’est pas pour détourner d’Alger ceux qu’y appellent le charme de la vie, le voisinage de la mer, la beauté des sites. Que les hiverneurs d’Alger terminent leur séjour par une excursion à Biskra, que Biskra recrute en Europe une clientèle spéciale de malades qui n’iraient peut-être pas à Alger, c’est vraisemblable ; mais tout ce qui est pour attirer le touriste et le valétudinaire sur la terre algérienne ne peut que profiter à la grande ville, que vingt-six heures de mer seulement séparent de Marseille et qui restera toujours le pôle d’attraction. Beaucoup iront à Alger sans visiter Biskra, très peu iront à Biskra sans venir à Alger.

A quelques kilomètres de Biskra se trouve le col de Sfa. On traverse, pour l’atteindre, une plaine ondulée et caillouteuse. Par un sentier qu’ont tracé les caravanes, on gagne le sommet du col d’où l’on découvre au nord-est la chaîne de l’Aurès, au sud le Sahara. Vu du col de Sfa, il apparaît tel que le décrit Ptolémée : « Pareil à une peau de panthère étendue sur le sol. » Les taches sombres, ce sont les oasis de Biskra, de Chatma, de Filiach, de Sidi-Khélif, et celles plus lointaines d’El-Outaïa, de Sidi-Okba, se détachant sur le sable jaune du désert. La vue est grandiose, le site est solitaire, et sur cette nature étrangère soleil, alternativement brillant et voilé par de grands nuages blancs, produit d’indicibles effets de lumière.

Par sa position, Biskra est le centre politique et militaire, administratif et commercial du Zab, mais c’est à 20 kilomètres plus au sud que se trouve le centre religieux, Sidi-Okba. Située dans l’oasis du même nom, Sidi-Okba, peuplée de 5 000 Arabes et nègres et de deux Européens, est un lieu de pèlerinage très fréquenté, possédant une école de droit musulman d’où sont sortis des théologiens célèbres et où le fanatisme musulman est intense. Ses rues étroites, ses maisons en pisé lui donnent une apparence misérable ; sa population grouille dans les rues, se presse dans la mosquée, l’une des plus anciennes de l’Algérie, où repose, dans une koubba, le corps de Sidi-Okba, fondateur de Kairouan. Dans le demi-jour du sanctuaire, sous le dôme soutenu par des colonnes, des centaines d’Arabes se livrent à leurs dévotions. La mosquée est trop petite pour contenir tous les fidèles, et, au dehors, des centaines d’autres sont accroupis, psalmodiant des versets du Koran. Non sans peine, le visiteur pénètre