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Ce précurseur, les professeurs incroyans sont aussi des docteurs. » Toute riposte est impossible ; et voilà pourquoi perpétuellement la « question des professeurs » sera soulevée, et perpétuellement ajournée. Entre les consistoires et les universités, le conflit est toujours latent, le plus souvent inavoué.

Brusquement, en 1893, il éclata en Hesse-Cassel : dans une pastorale, que déjà nous avons citée plus haut, les surintendans généraux de cette province dénoncèrent deux brochures de MM. Achelis et Herrmann et l’influence de ces professeurs sur les étudians de Marbourg. « Nous voulons espérer, disaient-ils, que par une étude approfondie de la Sainte Écriture et par leurs expériences dans leurs fonctions sacrées, les jeunes ecclésiastiques seront ramenés à la foi de l’Église, s’ils cherchent la vérité avec une sainte gravité et en s’aidant de la prière. Mais l’indulgence a ses limites dans le devoir que nous avons, vis-à-vis des communautés à nous confiées, de ne les point livrer, sans défense, à l’erreur et au trouble. » En termes assez formels, les jeunes candidats étaient menacés d’éviction, s’ils ne répudiaient certaines négations universitaires. Mais le professeur Beyschlag, de Halle, champion de la libre science théologique, flétrit ce « bloc erratique ultramontain » ; et les surintendans intimidés avouèrent leur surprise du bruit qu’avait fait leur pastorale : ce qui n’était peut-être qu’une façon séante de s’excuser. On savait, d’ailleurs, que la consultation de M. Harnack sur le symbole, réfutée par Guillaume II lui-même à Wittenberg, n’avait attiré à son autour aucun désagrément administratif ; et dans certaine brochure inspirée par l’illustre professeur, on expliquait, bientôt après, que les professeurs de théologie révoqués passeraient dans la faculté de philosophie, et que rien n’empêcherait les futurs pasteurs de s’empresser à leurs leçons. L’avis était clair ; et parmi ces savans universitaires, aucun n’eut à subir une retraite qui n’aurait été qu’un déménagement.

Donnant à la faculté de Bonn, en octobre 1894, des cours de vacances sur l’histoire d’Israël et le sacrement de l’Eucharistie, les professeurs Meinhold et Grafe développèrent, devant une centaine de pasteurs rhénans et westphaliens, des conclusions que l’orthodoxie la plus tolérante jugea monstrueuses. Dénoncés par un journal d’Essen, ils reçurent de la Gazette de la Croix une mercuriale en trois points : « Pour qui travaillent de tels professeurs ? demanda ce journal. Ce n’est point pour l’Église évangélique, qu’ils doivent servir ; c’est pour les ennemis de l’Église. Notre empereur nous a conviés au combat contre la révolution, pour la religion, l’ordre et la morale. Et ces professeurs