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M. Harnack et ses disciples en font la preuve. Ils signalent, dans le symbole, des parties parasites : le Saint-Esprit, disent-ils, en qui les premiers chrétiens voyaient un don de Dieu, acquiert, dans ce document tardif, le rôle d’une personne divine ; l’élévation de Jésus au ciel, très vaguement mentionnée, à l’origine, en une sorte de glose qui suivait et délayait le récit de la résurrection, prend l’importance d’un épisode historique, d’un miracle distinct ; enfin les versets : « conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie » sont, paraît-il, démentis par deux évangiles sur quatre, par un manuscrit syrien récemment découvert, par des généalogies du Christ, enfin par le récit du baptême de Jésus, où Dieu le père dit à son fils, au sens de M. Harnack, non point : « J’ai mis en toi toute ma complaisance », mais : « Je t’ai engendré aujourd’hui. » Même en passant condamnation sur ces excroissances, l’école de M. Harnack maintiendrait que la vieille tradition chrétienne sur Jésus, loin d’être une vérité historique supérieure à tous les doutes, fut forgée comme une arme pour combattre le gnosticisme, et qu’en assistant au culte superstitieux d’une pareille tradition depuis près de deux mille ans, on croit proprement rêver.

D’autre part, le symbole est trop indigent. Derrière cette végétation de formules, la personne du Christ disparaît ; et l’on ne saisit plus l’objet essentiel de la croyance évangélique, le pardon des péchés obtenu par la foi et procuré par Jésus. Ritschl, dès 1873, écrivait à l’un de ses correspondais que le symbole ne pouvait être une profession de foi, n’étant point une prière ; et il ajoutait : « Même comme règle d’enseignement, il est incomplet, et, par suite, insuffisant. On y trouve maints détails indifférens, et l’essentiel y manque, c’est-à-dire l’enseignement du royaume de Dieu et de notre filiation à l’égard de Dieu. » Bref, le superflu qu’on dénonce dans le symbole, c’est ce qu’on rejette du christianisme ; le nécessaire dont on y déplore l’absence, c’est la variété de christianisme qu’on s’est à soi-même inventée.

De ces critiques générales, auxquelles MM. Harnack et Kattenbusch joignent de savans aperçus historiques sur le symbole, on passe aux diverses cérémonies où cette profession de foi figure. Au baptême, que vient-il faire ? Ce n’est point en une foi, c’est en Christ, que l’enfant doit être baptisé ; et puisque l’adulte compte sur le baptême et sur les influences de la communauté pour progresser dans la croyance, lui demander, avant son baptême, la récitation d’un symbole vénéré par les dévots comme l’expression la plus mûre de la foi, c’est commettre un aussi grave anachronisme que si l’on exigeait d’un arbre, à l’instant même de la plantation, des fruits d’une maturité parfaite : la comparaison est