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admettre à ses compatriotes que la théorie doive primer la pratique pour former un contremaître ou un courtaud de boutique. « Le monde entier, dit-il, sait combien l’Etat s’occupe de l’éducation en Allemagne, et, en particulier, de l’éducation technique et scientifique. Cela ne fait pas qu’on en ait fini avec l’idée d’une Allemagne perdue dans les brumes d’une philosophie nuageuse ou dans les éternelles recherches d’une érudition de détail ; d’un peuple passant sa vie à empiler des faits inutiles à tout le monde, au compilateur tout le premier. Il y a des songe-creux partout, et l’Allemagne en a sa part ; mais l’enseignement scientifique de la masse de son peuple n’est rien moins que favorable aux songe-creux. Il est rigoureusement pratique. L’éducation technique donnée en Allemagne est très complète et tout à fuit scientifique ; mais elle est calculée en vue de l’application[1]. »

Chaque métier, là-bas, a ses écoles techniques, organisées d’après les principes qu’on vient de voir, et le système a toujours réussi. L’Etat aide au besoin ; mais le peuple a compris l’importance d’un enseignement qui fait aujourd’hui « partie de sa vie au même titre que les écoles primaires », et il est capable de lui faire des sacrifices d’argent : c’est tout dire. La caisse de prévoyance des mineurs westphaliens entretient quinze écoles préparatoires (Bergvorschulen), où les enfans apprennent tout ce qui peut servir dans le métier. On leur fait étudier les charbons et les minerais de fer, les gaz et les explosifs. Ils ont un laboratoire pour les analyses et un coin de mine pour toutes sortes d’expériences. Ils savent dresser la carte des charbonnages de la région et le plan des travaux de chaque mine. On leur fait aussi mettre la main à la pâte, creuser un puits ou une galerie ; mais la théorie d’abord.

Chemnitz possède une école de tissage fondée en 1856. On y enseigne le dessin, les principes et le mécanisme de toutes le& sortes de métiers à tisser, et l’instruction pratique marche parallèlement ; au sortir de l’école, l’enfant doit savoir faire aller sans aide n’importe quel métier.

L’école technique de Stuttgart pour l’industrie du bâtiment (qu’il ne faut pas confondre avec l’école technique supérieure établie dans la même ville) possède une bibliothèque de 70 000 volumes.

Ainsi de suite ; il y en a partout, et les effets commencent à s’en faire sentir dans le peuple. L’ouvrier allemand avait, à juste titre, la réputation de manquer d’initiative et d’invention ; il

  1. Souligné dans l’original.