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ont été commises par des auteurs illustres auxquels il les a empruntées sans discussion, d’autres disparaîtraient si l’on voulait bien détourner les mois du sens que leur attribuent tous les dictionnaires. Si Pontécoulant, dans la théorie des planètes, a commis des erreurs qu’Arago nomme incroyables, énormes, colossales, cela ne lui démontre que l’ignorance d’Arago. Les erreurs existent, il ne saurait le nier, mais ce sont des erreurs de calcul ; et qui a fait les calculs ? un élève de l’Observatoire, un disciple de M. Arago, en qui Pontécoulant a eu trop de confiance. Le géomètre astronome se plaint enfin que, non content de lui reprocher une erreur grave qu’il a commise, il ne sait comment, on le rende responsable des conséquences qu’on peut en déduire.

Arago, très spirituellement, avait traité Pontécoulant coupable d’un théorème faux, comme plus tard Labiche celui de ses héros qui a mis un pied dans le crime ; il déduit les conséquences possibles d’une erreur presque innocente et, par des raisonnemens rigoureux, parvient aux dernières limites de l’absurde. C’était une plaisanterie ; Pontécoulant la trouve mauvaise, inconvenante, presque criminelle.

Parmi les erreurs relevées par Arago, Pontécoulant n’en repousse formellement qu’une seule, et c’est par-là que, pour les juges compétens, sa lettre à Encke a été le plus sévèrement jugée. Arago, en mettant soigneusement les points sur les i, avait signalé à la page 186 du premier volume de la Théorie analytique du système du monde une erreur mathématique impliquant une ignorance tellement invraisemblable, qu’on pouvait croire à une inadvertance, prolongée il est vrai pendant plusieurs pages. On pouvait l’avouer sans honte et s’écrier comme Fénelon dans un cas semblable : « Si je suis capable d’une telle folie, je ne suis pas en état d’avoir aucun tort, et c’est vous qu’il faut blâmer d’avoir écrit d’une manière si sérieuse et si vivo contre un insensé. » Pontécoulant, moins habile, prend le parti tout opposé. Mais véritablement, dit-il, M. Arago jouit-il en ce moment de toutes ses facultés mentales ?

Deux hypothèses restent possibles : Pontécoulant, même averti, n’a pas compris sa propre exposition, ou, comme on fait la part du feu, sachant que les juges compétens sont, sur de telles questions, en très petit nombre, il a nié sans scrupule une vérité évidente. Les deux explications sont inadmissibles. Il n’en existe pas de troisième.

Après s’être défendu, victorieusement suivant lui : — « Vous voyez que jusqu’à présent, mon illustre confrère, je me tire assez passablement, et sans y laisser trop de mes plumes, des serres dans