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débrousser, d’assainir les abords des agglomérations européennes. Il faut notamment, à Assinie, déplacer la résidence, si pittoresque soit-elle, et la réédifier au bord de la mer dans une situation qui permette au malheureux administrateur d’emplir ses poumons d’autre chose que des microbes soigneusement entretenus par les joncs de la rivière ; il faut enfin à Lahou, obtenir la disparition de ce charnier vaseux qui s’appelle l’île des Esclaves, encombrée de cadavres que viennent dévorer des crabes presque verts et des crevettes géantes.

L’amélioration des banlieues devra accompagner le perfectionnement de l’habitation. Il n’est pas indifférent que les ouvertures d’une demeure soient offertes à certains vents, fermées à d’autres ; leur surélévation au-dessus du sol a pour conséquence l’immunisation de ceux qui l’habitent contre les miasmes telluriques toujours à redouter en terre vierge. Enfin il faut bien convenir que le confort bien compris, un aménagement sain et agréable des appartemens, une vie le plus européenne possible fourniront un contrepoids des plus sérieux aux influences climatologiques. Combattre la débilité et l’anémie par une sustentation énergique à l’aide d’une bonne nourriture, prendre sur un lit véritable un repos complet, vivre dans l’air pur et bleu et non au niveau des émanations du sol, c’est s’assurer des moyens de résistance singulièrement puissans à l’action pernicieuse du milieu. Qu’on veuille bien se rappeler l’exemple du Sénégal, et, en remontant plus haut, celui de l’Algérie.

Nous voudrions, en terminant, insister d’une manière si pressante que notre appel pût être entendu en haut lieu, sur l’un des points les plus faibles de notre colonisation à la Côte d’Ivoire, l’insuffisance de la force publique.

Laissant de côté le Baoulé, où les événemens suscités par le passage de la colonne de Kong font entretenir encore aujourd’hui une certaine garnison, pour ne nous occuper que de la moitié orientale de la colonie, nous sommes obligé de constater que l’impudence et l’audace des noirs croissent en raison directe de la faiblesse qu’ils nous supposent. Que le Diamant, la canonnière qui croise derrière Grand-Bassam, sur la lagune Ebrié, soit mis en réparation, l’arrogance des riverains monte à un diapason inimaginable. Il est de toute nécessité de mater cette insolence des indigènes, ces bravades qui s’enhardissent l’une l’autre, parfois jusqu’à la prise d’armes et au soulèvement, — la révolte de l’Akapless, il y a deux ans et demi, en témoigne avec éloquence ; — et nous estimons que l’appareil de la force, bien plus que l’exercice de la force elle-même, est de nature à produire dans les esprits cette crainte du blanc qui est le commencement de la sagesse. Faire