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figures qu’il se plaît à évoquer, dans ce décor auguste, n’y sont jamais qu’un accident pittoresque ; elles animent de l’arabesque de leurs lignes ou des notes toujours savamment nuancées de leurs draperies flottantes, la grande symphonie orchestrale qui les enveloppe de sa puissance et de sa douceur.

Quel que soit le sujet, les véritables acteurs sont moins ces figures elles-mêmes que le chœur des choses inanimées, des harmonies aériennes, où vient se condenser et se manifester, dans un état général de nature bien mieux que dans un souvenir historique ou mythique, cette « action sentimentale » que Valenciennes exigeait dans tout paysage[1]. D’autres fois, c’est aux fêtes du matin, à l’arrivée joyeuse du jour dans les clairières humides ou sur les eaux frissonnantes, que sa fantaisie nous convie ; des bandes de nymphes dansantes accourent ; elles forment des rondes ou bien enroulent des guirlandes au tronc de quelque hêtre ou à la gaine d’un dieu Terme rieur. Mais c’est là-haut, dans l’ivresse légère et le lyrisme des jeunes rayons, dans l’échange des reflets qui, de la terre heureuse au ciel bienveillant, montent et redescendent, dans les échos des notes gaies, rapides et chantantes qui, de toutes parts, à tous les coins de l’horizon s’éveillent, s’appellent et se répondent, que se célèbre la véritable fête. Il faut avoir analysé patiemment le détail technique de ces symphonies pastorales ; elles sont merveilleusement orchestrées. Corot, qui était passionné de musique, n’aurait pas désavoué cette assimilation de son art à un art voisin.


VI

Nous avons parlé un peu légèrement des figures qu’il mêla à ses paysages « classiques ». Gardons-nous d’oublier que lorsqu’il a abordé l’étude de la forme vivante dans ses rapports avec le milieu atmosphérique où elle baigne, Corot s’est montré l’égal des plus grands maîtres. Son incomparable finesse d’œil, là encore, l’a admirablement servi. Il n’avait jamais négligé la figure. Dès son premier voyage en Italie, il avait copié plusieurs fragmens des fresques du Campo-Santo ; Andrea del Sarto, surtout, le grand Andrea de l’Annunziata, l’avait ensuite enthousiasmé,

  1. Cette « action sentimentale », Corot a voulu quelquefois la porter jusqu’au drame, et dans la Destruction de Sodome (1844), surtout dans l’Incendie de Sodome (1857), avec les violets sulfureux et les jaunes brûlés de ses fonds ; dans le Dante et Virgile (1859) et le Christ au Jardin des Oliviers, avec des rouges vineux sur des verts nocturnes, on pourrait aisément relever quelque préoccupation ou influence d’Eug. Delacroix, que Corot admirait beaucoup... Mais ce ne sont là que des incidens dans l’ensemble de son œuvre.