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crime ; que nul ne peut invoquer qu’il a été contraint, pour se justifier, d’avoir versé le sang d’‘autrui ; que le devoir de chacun est de sacrifier sa vie plutôt que de disposer de celle d’un individu inoffensif. Il contesta qu’il fût permis de produire devant un tribunal des paroles ou des actes tendant à justifier un meurtre et cela, parce que l’homme qui médite un assassinat a toujours le soin de prendre les précautions nécessaires pour cacher le mobile qui l’a guidé, pour éviter le châtiment qui le menace. Il dit, enfin, qu’il est toujours permis d’admettre la déposition d’un homme se chargeant lui-même, parce qu’il n’est pas vraisemblable que cet homme cherche à se porter préjudice personnellement; mais qu’on ne peut accepter les dires d’un meurtrier, soit avant le crime, soit au moment du crime, parce que ses paroles peuvent n’avoir eu d’autre objet que d’égarer la justice. — La Cour sanctionna la manière de voir de Baskin.

Le second incident fut amené également par le juge Sutherland, dans la journée du mercredi. Il demanda à la Cour la permission de donner lecture d’un certificat de médecin, qu’il venait de recevoir de Salt Lake City, parle télégraphe, constatant que la santé de Brigham Young et celle de George A. Smith ne leur permettaient pas de se déplacer. Il ajouta que notification avait été faite à Carey que le lendemain à midi, M. William Clayton, un notary public, recevrait les dépositions de ces deux personnages et qu’en même temps, Carey avait été invité à donner à Salt Lake City procuration à un attorney, pour être présent aux dépositions des témoins absens et interroger ceux-ci contradictoirement ; il offrait de payer le prix des télégrammes ainsi que les honoraires de l’attorney et demanda à la Cour de requérir Carey de désigner ce mandataire. Carey s’opposa à ce que la requête de Sutherland fût admise et la Cour décida qu’elle était irrégulière et inconvenante : les officiers du Gouvernement qui assistaient à l’audience représentaient le peuple américain ; ils n’avaient pas à se trouver à Salt Lake City à la date et à l’heure indiquées; Sutherland n’avait aucun droit de requérir le District attorney de désigner un délégué, alors que ses subordonnés l’assistaient dans des poursuites exercées par lui ; la défense d’ailleurs ne pouvait invoquer un cas subit et de force majeure, il y avait près de deux semaines que le procès était commencé, et non seulement elle avait eu amplement le temps de réunir tous les témoins qui pouvaient lui être nécessaires, mais elle s’était elle-même déclarée prête pour le procès; si les témoins appelés par elle lui faisaient défaut, elle n’avait qu’à s’en prendre à elle-même, mais il n’était pas possible de s’écarter des règles ordinaires de procédure.