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si épuisés qu’il fallut trois jours au convoi pour parcourir les 32 kilomètres qui séparent Cedar City de Iron Creek et deux jours pour faire les 24 kilomètres que l’on compte de Iron Creek aux Mountain Meadows. Enfin, les émigrans atteignirent cette vallée où, trouvant du fourrage en abondance, ils décidèrent de faire un long séjour. Ils se croyaient, pour un temps au moins, au bout de leurs épreuves et ne se doutaient pas du sort qui leur était réservé.

Vers le 7 septembre, dans la matinée, sans que rien eût pu les mettre sur leurs gardes, ils étaient assaillis par une décharge qui leur tuait sept hommes et en blessait une quinzaine. Frappés d’effroi, les survivans jettent les yeux autour du camp et se voient cernés par une troupe nombreuse d’Indiens Yutes. Bravement, ils se préparent à se défendre. Ils forment rapidement une enceinte circulaire avec leur chariots, — ce que dans l’ouest on appelle un corral, — et tout autour, creusant la terre qu’ils rejettent en avant, jusqu’à la hauteur des moyeux des roues, ils construisent un retranchement, derrière lequel ils subissent jusqu’au soir, sans plus de dommage, le feu de leurs assaillans.

Déçus dans leur espoir de venir aisément à bout du convoi, les Indiens, pendant la nuit, dépêchent un courrier à Cedar City pour prévenir le major John D. Lee[1], alors sous-agent du gouvernement auprès des Indiens, dans le district de l’Utah Sud. Ce misérable, à la suite d’un conseil tenu à Parowan, précisément le jour où le convoi passait près de cette localité, conseil auquel assistaient le grand prêtre mormon de l’Utah Sud, Isaac C. Haight, le colonel de la milice. Dame, et l’apôtre George. A. Smith, avait assemblé tous les Peaux-Rouges de la région; il leur avait suggéré l’idée d’attaquer le convoi, espérant qu’il n’y aurait pas de résistance, que tous les émigrans seraient tués et que le bruit se propagerait que les Indiens avaient été les seuls auteurs du massacre. Ce plan féroce devait être, en partie du moins, déjoué par la bravoure des Arkansais.

Cependant le régiment de la milice du Iron County, connu sous le nom de la Légion de Nauvoo, avait dès l’issue de la réunion tenu à Parowan, en prévision des événemens, reçu l’ordre de se préparer à marcher armé et équipé conformément à la loi. Aussitôt qu’il est avisé de la résistance des émigrans, John D. Lee dirige sur les Mountain Meadows les miliciens qu’il a réunis, auxquels il a dit que le convoi a été massacré par les Indiens

  1. Lee naquit à Kaskaskia, dans l’Illinois, en 1812. Il se joignit aux Mormons en 1837; il devint évêque, membre de la Législature de l’Utah et juge du comté de Washington (U.). Il eut 18 femmes et 64 enfans.