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les expéditions et les guerres, en même temps que par la pullulation rapide de la masse brachycéphale et celto-slave. Les francs n’ont fait, comme les Normands, que maintenir ou accroître la proportion des blonds en France, mais, par là, ils nous ont empêché d’avoir un tempérament trop celtique. Leur sang a renforcé la dose d’énergie, d’initiative, de fermeté, de sérieux, qui entrait dans la composition du caractère gaulois[1]. Ce n’est pas sans danger, croyons-nous, que se fût altérée, surtout autrefois, la proportion de ces trois espèces d’équivalens chimiques qui sont le sang celte, le sang germain et le sang méditerranéen. L’harmonie physiologique de la race en a perpétué l’harmonie mentale. Il y a donc ici une double erreur à éviter : on a tort d’attribuer aux Latins une influence ethnique sur notre caractère national, tandis qu’il faut leur attribuer simplement une influence intellectuelle et politique ; on a tort aussi de prêter aux francs ou aux Germains une grande action morale et sociale sur la Gaule, tandis qu’il faut surtout leur reconnaître une influence ethnique, maintenue d’ailleurs dans des limites assez étroites.

Avec son mélange de climats dont aucun n’était excessif, avec son mélange de races dont aucune n’avait une influence exclusive et absolue, la Gaule se trouva plus dégagée que toute autre terre des fatalités purement physiques, soit de milieu, soit d’origine ; du même coup, elle était grande ouverte aux influences d’ordre spirituel et humain : elle devint, par excellence, la terre de sociabilité. Avec ses aptitudes universelles, elle reçut en elle toutes les idées déjà acquises à la civilisation, puis se montra à son tour inventive et initiatrice.


VI

Si maintenant nous comparons le présent de notre race à son passé, peut-on dire qu’il y ait « dégénérescence ethnique »[2] ? Le

  1. D’après les nombreux restes recueillis dans nos cimetières mérovingiens, les francs étaient grands, de charpente épaisse et rude, avec des insertions musculaires prononcées. Leurs traits étaient parfois grossiers, leur face un peu écrasée et élargie, les pommettes assez saillantes, les orbites assez profondes et peu élevées, leur ouverture nasale plus large que chez aucun autre peuple de l’Europe, sauf les Finnois et les Lapons. Ils sont très dolichocéphales. Leur type se retrouve sur les bords de l’Elbe ; on le suit en Orient jusqu’en Galicie. Les Gaulois, très dolichocéphales aussi, avaient une capacité crânienne plus grande, la face et l’ouverture nasale plus étroites ; ils ressemblaient aux Frisons.
  2. Outre le livre de M. Max Nordau, Dégénérescence, on peut consulter à ce sujet Dégénérés et Déséquilibrés, par le Dr S. Dallemagne ; Alcan, 1895. — Féré, la Famille névropathique ; Alcan, 1893. — Pierre Janet, État mental des hystériques ; Paris, 1892. — Dèjerine, l’Hérédité dans les maladies nerveuses ; Paris, 1894. — Sellier, la Psychologie de l’idiot ; Paris, Alcan, 1891.