Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/396

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jardin plus petit sur la berge du fleuve ! Dans cette description, si écourtée qu’elle soit, la silhouette du palais Farnèse se dessine déjà en miniature.

Cette impression première va, d’ailleurs, se fortifier et prendre corps. Il suffit de poursuivre la lecture de nos actes. Les voici qui fixent avec précision l’emplacement du palais. Il était situé dans le quartier et donnait sur la rue de la Regola — in regione et via quæ dicitur la Régula. — Qu’était-ce que ce quartier ? Depuis plusieurs siècles déjà, la ville de Rome était partagée en treize arrondissemens ou rioni, division qui ne correspond qu’en apparence à l’ancienne circonscription impériale, laquelle comprenait quatorze regiones. Le septième de ces rioni portait le nom de Hegola. Comme les autres quartiers de Rome, celui de la Regola avait une existence propre, des magistrats particuliers, un blason distinct : un cerf sur champ d’azur. Il formait, sur la rive gauche du Tibre, une bande fort large, puisqu’elle s’étendait du palais Cenci à l’église Santa-Maria del Gonfalone, mais peu profonde, car elle atteignait à peine le Campo de Fiori. Quant à la rue de la Regola, c’était tout simplement la via recta des anciens. Au XIIe siècle, elle est qualifiée de maior via Arenulæ dans l’Ordo Benedicti, et M. le commandeur Lanciani, pour qui le sous-sol de la ville éternelle n’a pas de secrets, n’hésite pas à affirmer que cette voie suivait, au moyen âge comme sous les empereurs, le parcours actuel des rues de Gapo di Ferro, de Venti et de Monserrato. La création de la place Farnèse, au siècle suivant, coupa cette vieille voie en deux tronçons et contribua sans doute à lui faire perdre son nom traditionnel.

Les données de la topographie concordent donc avec les déductions tirées des documens d’archives pour établir d’une façon positive que l’immeuble, acquis en 1495 par le cardinal Farnèse, est bien l’ancêtre du palais de Paul III. Ainsi l’édifice que les Romains et les étrangers admirent comme une des plus nobles créations architecturales de la Renaissance se rattache à une construction plus ancienne dont il a pris en quelque sorte la place, comme nous le verrons plus loin.

Ces rapports de filiation établis, essayons de reconnaître avec quelque netteté le lieu sur lequel est bâti notre palais. Il est hors de doute que ce lieu était habité dès les premiers siècles de l’empire. L’examen des souterrains du palais ne laisse subsister aucun doute à cet égard. Nous savons déjà par les auteurs du XVIe siècle qu’Antonio da San Gallo avait rencontré des restes antiques en travaillant aux fondations, du palais. Flaminio Vacca fait allusion à un égout qui se dirigeait du Campo de Fiori vers