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jour le jour, du produit de leur travail : toute la force intellectuelle de la nation, tous ceux qui sont en train de grandir. La disparition du chef serait pour la femme et les enfans le signal de la décadence, le bail résilié, le mobilier vendu, les serviteurs congédiés, les éducations interrompues, la ruine greffée sur le deuil. L’individu qui, placé dans cette situation périlleuse, n’assure pas aux siens, par des primes annuelles, un capital payable à sa mort est aujourd’hui une exception coupable.

L’épargne ne remplit pas le même rôle : en versant au commencement de chaque année un millier de francs d’assurance, l’homme de 30 ans garantit dès le premier jour à ses héritiers plus de 40 000 francs. Il lui faudrait 24 ans pour amasser une somme équivalente, en économisant 1 000 francs par an, qu’il placerait à intérêts composés au taux de 4 pour 100. Qui donc ose se flatter d’avoir devant lui 24 ans de vie ? Durant cette période de 24 années, sur 100 jeunes hommes, âgés aujourd’hui de 30 ans, il en mourra 27. Qui peut avoir la certitude d’être parmi les survivans ? Un calcul analogue est faisable à tous les âges, avec cette nuance qu’à 45 ans par exemple une prime de 1 000 francs n’assure plus tout à fait 26 000 francs, et que, pour épargner ce capital dans les mêmes conditions que ci-dessus, 18 années devraient suffire. Mais à 45 ans on est depuis longtemps engagé sur le mauvais versant de la vie, celui de la descente, de plus en plus rapide et fertile en chutes. A deux sur trois seulement, — 67 pour 100, — parmi ces hommes de 45 ans, il sera donné de passer encore 18 ans sur la terre.

Dans le contrat « vie entière », au lieu de payer annuellement la même somme jusqu’à sa mort, l’assuré peut stipuler des primes variables, croissantes ou décroissantes d’année en année, suivant qu’il prévoit l’augmentation ou la diminution de ses ressources. Il lui est loisible, en ce dernier cas, de borner ses versemens à un laps de temps plus ou moins court, — 10, le et 20 ans, — ou convenir que le paiement cessera soit lorsqu’il atteindra lui-même un certain âge, soit lorsqu’une incapacité de travail le réduirait à la gêne. Ce sont là des assurances « à primes temporaires, » qui ne profiteront pourtant qu’aux successeurs de l’assuré. S’il s’agit d’établir ses enfans, il se procurera par le contrat « à terme fixe » des capitaux à une date connue d’avance. Par l’ « assurance mixte » il s’en fera garantir le paiement, soit dans le délai convenu, soit à sa mort s’il meurt avant l’expiration du délai. Au lieu d’assurer à d’autres des capitaux, il peut leur assurer des rentes, viagères ou passagères. Au lieu de s’assurer soi-même pour toute la durée de sa vie, on a aussi le droit de