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pomme de terre, on refroidit, et on conduit aux cuves de fermentation.

Le ferment alcoolique qui se rencontre sur tous les fruits sucrés n’est plus soluble dans l’eau comme la diastase : c’est un véritable végétal formé de petites cellules ; il se multiplie dans les cuves où les brasseurs déterminent la fermentation de l’infusion d’orge, d’où le nom de levure de bière sous lequel on désigne habituellement ce ferment alcoolique. Son action est beaucoup plus lente que celle de la diastase ; c’est seulement trois ou quatre heures après l’ensemencement de la levure qu’apparaissent les premières bulles d’acide carbonique, dont la production est corrélative de celle de l’alcool.

Comme, malgré Infiltration grossière qu’il a subie, le liquide mis en fermentation n’était pas limpide, que l’addition de la levure de bière a augmenté son trouble, on voit bientôt apparaître à la surface du liquide des matières solides entraînées par l’acide carbonique : c’est le chapeau ; il persiste quelque temps, puis se brise, se disloque, retombe au fond. Après trois jours l’effervescence est calmée, et il ne reste plus qu’à faire passer le liquide à l’appareil distillatoire.

L’alcool éthylique qui est le produit principal de la fermentation entre en ébullition à 78°, l’eau, comme chacun sait, à 100° : on conçoit donc que, si on soumet à l’action de la chaleur un mélange d’alcool et d’eau, ce soit la vapeur d’alcool qui s’échappe la première, et que, si on arrête la distillation quand une fraction du liquide, un tiers par exemple, aura été réduit en vapeur, tout l’alcool se trouvera dans ce tiers qui a distillé le premier. La vapeur est condensée à l’aide d’appareils réfrigérans, et on obtient ainsi un produit désigné sous le nom de flegmes. Les flegmes renferment, outre de l’alcool éthylique et de l’eau, un grand nombre d’autres produits volatils qui prennent naissance pendant la fermentation. Parmi eux se trouve l’alcool amyligue, encore désigné sous le nom d’huile de pommes de terre, et quand la dernière opération à laquelle se livrent les distillateurs pour séparer des flegmes l’alcool éthylique, la rectification, n’est pas très bien conduite, l’alcool amylique figure parmi les produits livrés à la consommation dans la proportion de 2 à 5 millièmes. On assure qu’il exerce sur l’organisme une action encore plus nocive que celle de l’alcool éthylique : aussi cherche-t-on à l’éliminer des produits qu’on désigne sous le nom d’alcools bon goût. On y réussit, et les alcools industriels présentent souvent une pureté remarquable : ils servent à la fabrication des liqueurs fines, et notamment à l’imitation des eaux-de-vie renommées, tandis que les bas produits provenant de ces rectifications sont employés à la