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ni rien attendre d’eux ; mais préparer lui-même ses destinées et Atre son propre bienfaiteur.


On croirait lire l’Almanach du bon citoyen.

Sous le rapport purement politique, le « parti du Droit » fait front, en même temps : au principe de la constitution austro-hongroise ; à la Nagoda, qui l’applique ; aux prétentions des Serbes, qui font valoir, eux aussi, des litres à la Bosnie et à l’Herzégovine ; enfin à l’esprit, plus encore qu’au programme de Mgr Strossmaier, dont il incrimine la résignation au fait constitutionnel et par-dessus tout la tendance a solidariser l’avenir de la Croatie avec celui des autres pays jugo-slaves.

Autour de l’évêque se groupèrent naturellement quelques hommes d’élite, de ces esprits consciencieux et clairvoyans capables d’exercer, même des régions où ils se tiennent, une bonne influence sur leur pays, à la condition d’être docilement écoutés. L’un des plus éminens, le chanoine Racki, est mort l’année dernière ; il jouissait, comme historien, d’une haute notoriété dans tous les pays slaves ; le jour de ses obsèques, qui furent vraiment nationales, affluèrent à Agram les télégrammes et les couronnes des corps savans de Bohème, d’Allemagne et de Russie. Un autre, qui fut plus particulièrement l’exécutif politique de Mgr Strossmaier, le comte Constantin Vojnovic, ancien doyen de l’Université, garde, dans la retraite où l’ont relégué les rancunes mesquines d’Hédervary, l’autorité qui s’attache à une magnifique carrière oratoire et au caractère le plus honoré du parti. C’est peut-être pléiade qu’il faudrait dire, car, dans ce groupement dont Strossmaier fut le centre, l’érudition et les lettres occupèrent une large place, quelquefois an détriment de l’action. Markovic, par exemple, dont le nom figure avec honneur dans l’histoire de cette lutte pour la vie nationale, ne fut jamais un homme politique : c’est, le poète, l’âme slave blessée au contact d’une race qui en foule les délicatesses et les espoirs.

De la masse, un peu bruyante et crédule, qui a choisi Starcevic pour prophète, émergent quelques personnalités dont il serait injuste de méconnaître le mérite. C’est un mérite d’un autre genre, en dehors, militant, tribunitien. Au premier rang, d’une popularité presque égale à celle du maître, d’une culture supérieure, le député de Fiume-campagne, Erasme Barcic, qu’on appelle quelquefois le Garibaldi croate. Il a de l’audace, de la tactique et du trait. Ses « mots » sont imprégnés de ce je ne sais quoi dont les masses sont friandes et qu’elles s’assimilent. C’est lui qui, en 1885, fit tomber de la tribune d’Agram cette phrase