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dernier exercice qui la précéda, celui de 1872, accusait une différence de 343 155 florins, au détriment de la Croatie, entre la somme forfaitaire et le 45 pour 100 auquel, en principe, elle avait droit. La révision de 1873 rétablit le partage proportionnel (le rapport a été légèrement modifié en 1890, toujours au détriment de la Croatie, et ne lui assigne plus en propre que le 44 pour 100 de ses revenus), — mais laissa substituer un abus grave : la centralisation de la comptabilité entre les mains des Magyars. Il n’existe pas, entre la Croatie et la Transleithanie de juridiction neutre, — comme entre la Confédération américaine et les divers États qui la composent, — chargée de trancher les différends d’ordre financier. Le budget que le ministère hongrois fait voter par le parlement transleithan s’impose à la Diète d’Agram, en ce sens qu’elle n’a aucun moyen légal de faire réviser contradictoirement les comptes auxquels s’applique la formule de répartition.

L’opposition croate, surtout par l’organe du docteur Franck, qui s’est fait une spécialité des questions financières, élève contre ce système une double protestation. Elle se plaint premièrement de ce qu’une partie des revenus constatés de la Croatie, ne trouvant leur application ni à ses dépenses propres, ni aux charges diverses qu’elle assume vis-à-vis de la double communauté, sont absorbés par les Hongrois et à leur profit ; ensuite de ce que les statistiques officielles ne portent pas en compte un groupe de revenus hors budget, — notamment ceux des chemins de fer et des postes, — dont l’omission diminue d’autant le quantum du 44 pour 100 affecté à l’autonomie croate. Dans un remarquable discours du 23 décembre 1893, le docteur Franck a démontré, par exemple, s’appuyant sur les chiffres mêmes du budget en discussion, que les recettes brutes de la Croatie s’élevaient à environ 22 500 000 florins, le chapitre de ses dépenses propres étant arrêté à 7 159 702 seulement. Celle somme — même majorée de la part contributoire de la Croatie aux frais de perception des impôts — s’écarte sensiblement du 44 pour 100 de la précédente.

Si l’on ajoute que la comptabilité quasi occulte des chemins de fer de l’Etat, le budget des Confins militaires, le régime des tabacs et celui des octrois, même la clef de la Quote Kroatiens dans les charges communes à tous les pays de la monarchie austro-hongroise sont autant de sujets de contestations et de plaintes, on aura une idée, non seulement de l’effrayante complexité des finances de la Croatie, mais des abus auxquels un régime si peu simple, si peu égal surtout, doit donner lieu. Au fond, la