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LE RÈGNE DE L'ARGENT

V[1]
LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS, LE PATRONAGE

ET LE PROGRÈS SOCIAL


Les grandes compagnies, les sociétés par actions, sont un obstacle à l’omnipotence de l’Etat, partante l’oppression de l’individu par la collectivité et à l’asservissement de la collectivité par les agens du pouvoir. Les compagnies barrent la route au collectivisme, et, nous croyons l’avoir amplement démontré, tous ceux qui s’efforcent de renverser cette barrière travaillent, bon gré, mal gré, à frayer le chemin au collectivisme[2]. Les grandes sociétés anonymes sont, par le fait même de leur existence, un rempart des libertés privées et des libertés publiques; car elles ne pourraient être remplacées que par des monopoles d’Etat, et, publiques ou privées, toutes les libertés seraient atteintes, du même coup, par la multiplication des monopoles d’Etat. Nationaux ou municipaux, les monopoles transformeraient peu à peu les citoyens, de producteurs et de consommateurs libres, en fonctionnaires révocables et en cliens forcés de l’Etat. La liberté, dans ce qu’elle a d’essentiel, se trouve donc solidaire des compagnies, c’est-à-dire de la libre association des capitaux; mais cela échappe au vulgaire. Les libertés qui lui sont ainsi garanties, il

  1. Voyez la Revue des 15 mars, 15 avril, 15 juin 1894 et 15 février 1895.
  2. Voyez, en particulier, dans la Revue du 15 février, l’étude ayant pour titre : les Grandes Compagnies, l’État et le Collectivisme.