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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre.


La discussion du budget se poursuit à la Chambre des députés avec une sage lenteur ; il devient tout à fait impossible d’en prévoir le terme, mais c’est déjà quelque chose qu’on en ait vu enfin le commencement. La discussion générale a rempli quatre ou cinq séances ; elle a été brillante. Comme certains fleuves se perdent dans les sables, elle s’est perdue dans un discours interminable de M. Camille Pelletan. L’orateur parlait d’autant plus à son aise que le banc ministériel était à peu près vide. Le gouvernement était au Sénat, où l’appelait la discussion des crédits de Madagascar.

Il était urgent d’en finir avec cette question, ne fût-ce que pour montrer à ceux qui nous surveillent qu’après avoir pris le parti d’aller à Tananarive, notre résolution serait accomplie avec décision et énergie. Le Sénat a été unanime à donner son concours au gouvernement. Trois voix seulement se sont prononcées contre l’expédition : c’est le cas de trouver la quantité négligeable ; nous ne parlons naturellement pas de la qualité. Le gouvernement a donc obtenu tout ce qu’il demandait, et, dès ce moment, sa responsabilité est seule engagée en ce qui concerne la préparation et l’exécution militaires de son projet. Un concours précieux lui a été donné par M. de Freycinet, président de la commission, dont la parole a produit un grand effet sur la Chambre haute. M. de Freycinet a très clairement montré que l’expédition était devenue indispensable, ou, si l’on préfère, inévitable ; la période de la critique est passée, celle de l’action commence. Il faut souhaiter, toutefois, que les conseils par lesquels M. de Freycinet a terminé son discours soient entendus et suivis. Notre domaine colonial, si rapidement développé depuis quelques années, doit suffire pendant plusieurs autres à notre ambition et à notre activité. Nous avons le Tonkin, le Soudan, le Congo, le Dahomey, la Tunisie, Madagascar : c’est beaucoup, c’est assez pour le moment. [Nous ne demandons pas qu’on mette après cette énumération un point final, mais un large point suspensif. Bien que les Chambres n’aient pas hésité à suivre le gouvernement dans l’affaire de Madagascar, elles ont montré par leur attitude que toute autre entreprise du même genre leur paraîtrait en ce moment inopportune ; non pas qu’on doive s’immobiliser dans l’inaction,