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qui termine la série que M. Marius Bernard a consacré aux Côtes barbaresques.

C’est un épisode de la conspiration dite des Prouvaires sous Louis-Philippe et de la petite Chouannerie de 1832[1] que M. Paul Perret a choisi pour le sujet de ce roman plein de mouvement, d’héroïsme et d’amour, où toutes les passions sont violentes et sincères, tous les personnages sympathiques, parce qu’ils se battent tous avec conviction, les bleus pour la patrie, les blancs pour la gloire du bon Dieu et pour Madame, qui domine l’action; parce que toutes les femmes y aiment noblement et savent se dévouer jusqu’à la mort. Les quatre demoiselles de Liré sont ultra-royalistes et pauvres; mais, que leur foi monarchique, que l’amour ou la jalousie les poussent à marcher à la tête des Chouans, elles restent toujours héroïques, et dans les scènes épiques où elles apparaissent, au milieu de la fumée des combats comme dans les intrigues d’amour, ou dans le grand salon d’honneur de leur antique manoir vendéen, l’escadron de Liré, charmant de grâce et si fier d’allure, ne peut manquer d’entraîner bien des lecteurs à sa suite jusqu’au dénouement, quand, la Vendée militaire morte, le bonheur des deux héros de la guerre, Marie-Antoinette et La Cicandais, un vrai chevalier d’autrefois, est assuré. Les aquarelles et dessins de MM. Charles Delort et Maurice Leloir sont d’une très grande beauté ; ce sont de véritables tableaux d’une composition et d’un goût parfaits, de sincères œuvres d’art qui font revivre les gens et les modes d’il y a soixante ans en leurs toilettes, leurs façons et leurs attitudes, et dignes en tous points des magnifiques publications de la maison Boussod et Valadon.

Taillevent[2], par M. Ferdinand Fabre, se passe dans un tout autre milieu, beaucoup plus calme, quoique la fin en soit tragique : dans une famille de paysans de l’Espinouze cévenole. C’est là qu’un enfant nommé Taillevent, fils d’un brûleur de vins, a été recueilli et élevé avec la fille de ses maîtres, la gracieuse Frédérique, qu’il finit par épouser à la suite des péripéties les plus dramatiques et après avoir vengé le père de la jeune fille, son bienfaiteur, lâchement assassiné par un réfugié espagnol, montreur d’ours et éleveur de chiens, qu’on avait recueilli à la métairie de Figuerol, et qui convoitait Madeleine, la femme de son hôte. Des descriptions charmantes, des scènes pleines de naturel et de bonhomie dans leur simplicité familière, en font un récit très attachant.

Dans les Vieilles Rancunes[3], roman d’une fantaisie toujours amusante et qui peut être laissé entre toutes les mains, M. Georges Ohnet a très finement montré au milieu de scènes gaies et piquantes qu’un

  1. Les Demoiselles de Liré, par M. Paul Perret, 1 vol. in-4o raisin, avec 32 illustrations en photogravure, par Ch. Delort et M. Leloir; Boussod et Valadon.
  2. Taillevent, par M, Ferdinand Fabre, 1 vol. in-8o illustré; Calmann Lévy.
  3. Les Vieilles Rancunes, par M. Georges Ohnet, 1 vol. illustré; Ollendorff.