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du drame de la liberté : le XVIe siècle avec la Renaissance et la Réforme, le XVIIIe avec la Révolution. Mais pour bien comprendre le christianisme qui a commencé l’œuvre libératrice, la France qui l’a achevée, il faut connaître Rome. Cette idée, exprimée en 1830 on un magnifique langage dans l’Introduction à l’Histoire universelle, était déjà partout visible dans les cours de 1827 à 1830. Michelet pensait dès 1828, en faisant ses leçons d’histoire romaine, ce qu’il écrivait en 1830 : « Rome a été le nœud du drame immense, du drame de la liberté. C’est en nous plaçant au sommet du Capitole que nous embrasserons, du double regard de Janus, et le monde ancien qui s’y termine et le monde moderne que notre patrie conduit désormais dans la route mystérieuse de l’avenir. » En décembre 1827 avait paru une édition incomplète du Précis d’histoire moderne, fruit de ses cinq années d’enseignement à Sainte-Barbe, qui parut sous sa forme définitive en 1828. Il employa ses vacances de 1828 à un voyage en Allemagne, où il visita Heidelberg, Francfort, Mayence, Bonn pour se perfectionner dans l’allemand, recueillir des livres, voir Creuzer, Gœrres, Welcker. Il est alors tout plein du moyen âge, commence à étudier Luther, prépare une Encyclopédie des Chants populaires, rêve de doter la France d’un livre analogue aux Deutsche Rechtsalterthümer de Grimm et cherche dans le vieux droit allemand les Origines du droit français, sur lesquelles il accumula des notes qui formèrent le volume publié sous ce titre en 1837.


II

Ces études nouvelles ne produisirent pas encore tout de suite leur effet dans son enseignement. L’histoire n’en occupe encore que la moindre part. En 1828-1829 il consacre deux de ses trois conférences à la philosophie, et ajoute à son cours de psychologie un cours de morale qui avait pour base un commentaire du Théétète, du Philèbe et de l’Euthyphron. Mais, en 1829, un heureux événement vint l’arracher, bien malgré lui, à la philosophie, pour le donner tout entier à l’histoire. Le ministère Polignac, dont M. de Montbel faisait partie comme ministre de l’Instruction publique, réforma l’Ecole préparatoire, augmenta le nombre des chaires, sépara l’enseignement de l’histoire de celui de la philosophie et limita les cours d’histoire à l’histoire ancienne, à la géographie comparée et à l’archéologie. Michelet, prévenu d’avance des projets de M. de Montbel, lui écrivait dès