Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 126.djvu/897

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ou bien l’ardent soleil inonde de clartés
La côte, un dur pays de rochers dévastés,
Des rocs rouges, des bois tout noirs, des citadelles.
Et des bateaux, ouvrant comme de souples ailes
Leurs voiles au soupir d’un vent tiède et berceur.
Un marin albanais, sur un rythme obsesseur
Mélancoliquement chante un couplet qui traîne,
Et cette caressante et rude cantilène
S’accompagne du cri que jette dans le ciel.
Fatigué de chasser, le goéland cruel.


Mer ionienne.


LE CYGNE


Près du jet d’eau qui va chantant
Un cygne blanc à tête noire
Repose, bercé par l’étang
Qu’un clair rayon de soleil moire.

Un épais et souple rideau
De palmiers verdoyans protège
Les rêves vagues de l’oiseau
Au col d’ébène, au corps de neige.

L’azur du ciel méridional
S’étend pur et sans un nuage
Autour du sommeil idéal
Du cygne au sombre et clair plumage.

Et devant cet être si beau
Que caressent les grands cieux calmes,
Pour qui s’apaise et chante l’eau.
Et qu’éventent les vertes palmes.

On se souvient du Roi des Dieux
Qui, dans la légende païenne,
Parut sous cette forme aux yeux
De Léda, la mère d’Hélène.


Corfou.