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malheureuse, bien que ces peuples aient conservé la vraie foi et l’usage des sacremens.

Durant de longs siècles, l’ignorance a pu sauver beaucoup d’individus au sein de ces nations. Grâce à leur bonne foi, ils ont pu faire partie de l’âme de l’Église, sinon de l’Église proprement dite, et ils se seront sauvés. Mais aujourd’hui que la lumière se fait partout, l’ignorance, en ce point comme en d’autres, est infail- liblement condamnée à disparaître. Déjà, la connaissance de la situation réelle a fait naître, dans les classes instruites des Églises orientales et surtout en Russie, une vague inquiétude, qui, chez un certain nombre, n’a pas tardé à se transformer en un désir de réunion avec le vrai centre de l’Église.

On commence à comprendre en Russie que, si Rome a, de tous temps, fait des avances à la nation russe, sa fille d’autrefois, ainsi qu’à toutes les nations séparées de son sein, c’est par devoir et non par ambition. C’est parce que Jésus-Christ a dit à Pierre: « Pais mes agneaux, pais mes brebis. » C’est parce qu’il a pro- mis qu’un jour viendrait où « il n’y aurait plus qu’un troupeau et un pasteur. » C’est enfin parce que le successeur de Pierre est responsable devant Dieu du salut de tous les hommes, et qu’il ne peut cesser de leur faire entendre sa voix à tous pour les diriger dans les voies du salut.

A-t-on jamais vu une Église nationale appeler les autres à entrer dans son sein? L’Église russe, par exemple, pourquoi n’appelle-t-elle pas à elle l’Église anglicane, voire même l’Eglise romaine? Si elle est l’Église une, établie par Jésus-Christ, c’est là son devoir. Pourquoi ne l’a-t-elle jamais fait, sinon parce qu’elle a conscience d’être une Église nationale et non pas l’Eglise universelle ou catholique? L’Église romaine, au contraire, parce qu’elle est l’Église une et catholique, qu’elle n’est pas une Eglise d’État, a toujours appelé à elle tous les peuples et s’est répandue sur tout le globe terrestre.

Lorsque le peuple russe aura compris, (et il commence à le comprendre), que la rivalité et plus tard la politique l’ont seules séparé de l’unité catholique, il se produira dans son sein un mouvement de retour vers cette unité. Car il y va du salut des âmes et ce n’est point là une simple question de politique. Les Russes, peuple profondément religieux, ne voudront plus alors rester séparés du tronc de l’Église universelle, d’où la sève de la vraie doctrine et du zèle apostolique se répandra toujours dans les rameaux de l’arbre entier.


Après les principes, venons-en à la pratique. S’il est non seulement désirable, mais aussi nécessaire au point de vue du salut