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dû ou pu être, si l’organisation idéale avait été décrétée dès l’abord, mais telle que l’a faite un demi-siècle de tâtonnemens, d’efforts et de luttes. Il est certain que si, dès l’origine, le législateur avait pu deviner l’essor que prendrait cette industrie, trait d’union de toutes les autres, véhicule indispensable du commerce moderne, il eût adopté des dispositions différentes. Il est probable que, si les compagnies eussent prévu le développement de leurs recettes, elles auraient réussi à traverser certaines crises sans le concours du gouvernement; celui-ci eût pu ne pas garantir des dividendes comme ceux qui sont attribués aujourd’hui aux actionnaires des six grands réseaux, ou du moins les garantir sous une forme qui, les assimilant à la rente nationale, en eût permis la conversion; les actions de nos chemins n’eussent pas atteint les cours auxquels nous les voyons. Si la baisse du taux de capitalisation qui se manifeste aujourd’hui avec violence avait été entrevue dès le milieu du siècle, il eût été sage d’adopter un autre type que le 3 pour 100 pour les émissions d’obligations qui se négociaient alors à moitié environ de leur valeur nominale, c’est- à-dire à 250 francs, et dont le remboursement à 500 francs grève lourdement les exercices futurs. Mais il ne sert de rien de récriminer sur un passé que les réformateurs contemporains n’au- raient pas sans doute fait différent de ce qu’il a été, s’ils avaient été au pouvoir il y a cinquante ans. L’essentiel pour la France est qu’à travers toutes ces péripéties, les droits de propriété de l’État n’ont pas cessé d’être sauvegardés. En 1852, lorsque le gouvernement impérial jugea indispensable de donner un essor considérable aux chemins de fer, il se décida à la mesure radicale de la prolongation des concessions : c’était reculer l’époque où la jouissance de ce domaine ferait retour à la nation; mais entre les divers moyens qui s’offraient alors d’encourager et de hâter l’achèvement de notre réseau, c’était celui qui parut le moins onéreux pour les finances publiques.

Aujourd’hui, parmi les prévisions qu’il est permis de faire sans être taxé d’un optimisme outré, il convient de citer en première ligne celle qui consiste à espérer que, dans un avenir peut-être rapproché, les obligations 3 0/0 des grandes compagnies atteindront le pair, puis le dépasseront. Le chemin si rapidement parcouru depuis peu d’années nous est à cet égard presque un garant de l’avenir. Si même le taux d’intérêt ne continue pas à s’abaisser, il existe pour les obligations de chemins de fer une raison spécifique de hausse qui devient tous les ans plus importante. Le nombre de titres amortis va sans cesse croissant, alors au contraire que celui des nouvelles émissions tend à diminuer, et tombera à un chiffre insignifiant lorsque la construction des