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législation spéciale, déjà maintes fois modifiée depuis l’époque relativement récente où cette industrie a pris son essor.


III

Les générations d’aujourd’hui ignorent les difficultés qui ont entouré la naissance de nos lignes françaises. Ce serait pourtant une histoire instructive à relire que celle de la lente et pénible constitution de notre réseau. On verrait combien ces concessions, qui paraissent aujourd’hui avoir été octroyées par une faveur insigne, ont au début trouvé peu d’amateurs; on y rencontrerait à chaque page des adjudicataires demandant à être relevés de l’obligation de construire et d’exploiter; on en dégagerait la preuve mille fois répétée des obstacles sans nombre qui ont retardé la constitution de ce réseau, qui compte aujourd’hui près de 40 000 kilomètres, et dont les voies posées bout à bout suffiraient à faire le tour de l’équateur terrestre. Nous sourions à la pensée qu’une fois les premiers rails posés, de graves théoriciens déclarèrent qu’il fallait préférer l’emploi des chevaux pour la traction à celui des locomotives; qu’en 1835 on eut une peine énorme à réunir un capital de six millions pour la construction du chemin de Paris à Saint-Germain; que M. Thiers n’attachait d’abord aucune importance à ce qu’il considérait comme un jouet; et que, sans l’énergie des frères Pereire, plusieurs années se seraient probablement encore écoulées avant que le réseau français fût commencé !

Le cadre de notre travail, qui a pour but essentiel de dégager la véritable situation de nos chemins de fer par rapport au budget, ne nous permet pas de développer cette étude historique. Nous nous bornerons à rappeler que c’est en quatre grandes époques qu’elle doit se diviser : la monarchie de Juillet, en y rattachant les dernières années de la Restauration et la République de 1848; l’Empire jusqu’en 1859; la période qui s’étend des conventions de 1859 jusqu’à celles de 1883, ces dernières marquant le point de départ de la quatrième époque, dans laquelle nous sommes encore aujourd’hui. Depuis la première concession en date du 26 février 1823 jusqu’au projet de rachat des chemins de fer présenté, puis retiré en 1848 par le général Cavaignac, tous les systèmes sont étudiés, tous les grands problèmes qui se rattachent à cette industrie examinés dans le Parlement, dans l’administration et dans le pays. Le gouvernement, après avoir songé à construire lui-même le réseau national, en concède peu à peu des fragmens à des sociétés particulières. Celles-ci, tantôt