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il allait se trouver à Toulouse dans l’alternative de devenir suspect à l’Empereur s’il montrait peu de zèle ou de se rendre doublement odieux aux royalistes s’il agissait avec la fermeté rigoureuse qu’exigeaient les circonstances. Decaen prit ce dernier parti, comme il le devait, et se fît exécrer dans tout le Languedoc.

Rayé des cadres en 1804 pour avoir manifesté en pleine audience l’indignation que lui causait le procès de son camarade Moreau, Lecourbe avait été réintégré dans son grade par Louis XVIII. A Lons-le-Saulnier, il avait tenté d’empêcher la défection du maréchal Ney, et sur le rapport de celui-ci, Napoléon avait prescrit de l’arrêter. Mais il vint aux Tuileries protester de son dévouement. Heureux de s’attacher cet officier éprouvé qui passait pour républicain et dont le nom était resté cher aux anciens des armées de Sambre-et-Meuse, du Rhin et d’Helvétie, l’Empereur lui donna le commandement du corps du Jura.

Lamarque s’était improvisé le 20 mars commandant de la place de Paris. Remplacé deux jours plus tard par le général Hullin, il reçut une division du corps de Reille, puis il fut envoyé en Vendée comme général en chef de l’armée de la Loire. Il avait combattu naguère les bandes des Abruzzes et les guerrillas des sierras d’Aragon. Son expérience de la guerre de partisans le désignait pour commander contre les Vendéens.

La mémoire de Grouchy est liée désormais au souvenir maudit de Waterloo, si bien qu’on a oublié les beaux services et les actions d’éclat de ce valeureux capitaine. Si Grouchy n’avait pas l’élan entraînant de Murat, il savait comme lui faire manœuvrer les masses de cavalerie. Commandant en second de l’expédition d’Irlande en l’an V, gouverneur de Madrid en 1808, colonel-général des chasseurs et chevau-légers en 1809, chef de l’Escadron sacré pendant la retraite de Russie, il avait contribué aux victoires de Hohenlinden, d’Eylau, de Friedland, de Wagram et de la Moskowa. Après Vauchamps, dit-on, l’Empereur avait pensé à le nommer maréchal d’Empire. En disgrâce sous Louis XVIII Grouchy fut envoyé à Lyon le 31 mars pour combattre le duc d’Angoulême. Mis ensuite à la tête de l’armée des Alpes et promu maréchal, il fut rappelé à Paris le 8 mai ; l’Empereur comptait lui donner les quatre corps de cavalerie de l’armée du Nord. C’est comme commandant en chef de la cavalerie que Grouchy entra en Belgique le 15 juin, mais pour son malheur, il allait dès le lendemain être chargé d’un commandement plus important encore.

Le général Durosnel, ancien aide de camp de l’Empereur, eut le commandement en second de la garde nationale de Paris, Napoléon