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jamais Oudinot n’a oublié ce qu’il doit à Napoléon, que si Oudinot a des torts, il ne les connaîtra pas plus tôt qu’il voudra les expier et les relever. J’ai besoin de ta démarche pour ma femme, mes enfans, qui tous partagent le malheur qui m’anéantit. » L’Empereur révoqua l’ordre d’exil en Lorraine qu’il avait fait tenir à Oudinot et consentit à le voir aux Tuileries, mais il le laissa sans emploi[1]. Napoléon, qui n’aurait pas sans doute tenu rigueur au maréchal pour sa conduite à Metz, ne pouvait oublier que l’année précédente le duc de Reggio s’était fait battre à Bar-sur-Aube à cause de ses mauvaises dispositions la veille de la bataille et de sa funeste indécision pendant le combat.

Quoique Macdonald se fût montré très zélé royaliste, qu’il eût fait l’impossible à Lyon et à Villejuif pour organiser la résistance, l’Empereur aurait voulu lui donner un commandement. Mais le maréchal, rentré à Paris après avoir accompagné Louis XVIII jusqu’à la frontière, était inébranlablement résolu à ne point servir sous le nouveau gouvernement. En vain le général Maurice Mathieu, son ancien chef d’état-major à l’armée des Grisons, le supplia de venir aux Tuileries, où l’attendait l’Empereur ; en vain Davout lui-même força sa porte pour l’y déterminer, il resta inflexible. De guerre lasse, l’Empereur lui accorda la seule grâce qu’il eût daigné demander : l’autorisation d’aller vivre en bon bourgeois dans sa propriété de Coucelle près de Gien.

Après avoir publié un violent ordre du jour contre Napoléon, Moncey avait quitté Paris le 20 mars. Il écrivit le surlendemain à l’Empereur qu’il comptait se retirer à la campagne. Déjà Napoléon l’avait remplacé par Rovigo dans les fonctions de premier inspecteur général de la gendarmerie. Mais n’aurait-il pas dû se rappeler ce que Moncey avait fait en 1814 à la tête de la garde nationale parisienne et lui rendre ce commandement? Il se contenta de le nommer pair de France, de même que Lefebvre qui, lui, n’avait pas eu de commandement l’année précédente et était resté sans fonctions sous Louis XVIII[2].

Masséna n’avait secondé que très mollement le duc d’Angoulême pendant sa courte campagne des bords du Rhône, et aussitôt

  1. Dans sa lettre à Jacqueminot, Oudinot dit : « Annoncez-moi vite que je suis rentré en grâce. C’est la meilleure nouvelle que vous puissiez me donner. »
    La maréchale Oudinot (Souvenirs, 371) assure que c’est à la demande formelle du maréchal que Napoléon le laissa sans emploi. Mais les lettres précitées d’Oudinot à Suchet et à Jacqueminot (dont naturellement la duchesse de Reggio s’abstient de parler) et sa présence dans le cortège impérial à la cérémonie du Champ de Mai, témoignent qu’il n’avait point tant de scrupules royalistes et qu’il eût accepté un commandement si l’Empereur le lui eût offert.
  2. Lefebvre avait fait toute la campagne de France, mais dans l’état-major de l’Empereur. Louis XVIII l’avait nommé pair de France.