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Le général de Bourmont resta aussi privé d’emploi pendant quelque temps. Sur la demande de Ney qu’il avait quitté à Lons-le-Saulnier pour accourir à Paris auprès du roi, Napoléon avait même ordonné son arrestation; mais Ney s’étant ravisé fut le premier à solliciter l’Empereur de rendre son commandement à ce général. Gérard, qui avait eu Bourmont sous ses ordres pendant les campagnes de 1812 et de 1814, demanda qu’on le lui donnât comme divisionnaire dans son corps d’armée. Après avoir longtemps hésité, l’Empereur finit par se laisser convaincre. Il lui fallut faire plier la volonté de Davout qui ne céda que sur un ordre formel. « — Gérard répond de Bourmont sur sa tête, » lui dit l’Empereur. « — Gérard a tort, répliqua le prince d’Eckmühl : moi je ne réponds de personne, je ne réponds que de moi. »

Peu sévère, comme on voit, aux hommes qui avaient voulu le combattre, l’Empereur ne prodigua point les récompenses à ceux qui s’étaient les premiers compromis pour lui. S’il nomma brigadiers les colonels La Bédoyère, déjà proposé d’ailleurs pendant la campagne de France, et Mallet, commandant le Bataillon de l’île d’Elbe, et s’il promut divisionnaire Simmer, qui lui avait amené deux régimens à Lyon, Brayer, Dessaix, Girard, Allix, Ameil, Merlin ne reçurent pas d’avancement et ne furent employés aux armées que selon les droits stricts de leur grade. Or Brayer s’était déclaré dès le 10 mars avec sa division, Dessaix avait accepté le gouvernement de Lyon sept jours avant la rentrée de l’Empereur aux Tuileries, Girard avait commandé depuis Avallon l’avant-garde impériale, Allix avait proclamé l’empire à Nevers, Ameil s’était fait arrêter à Auxerre comme émissaire de Napoléon, Merlin avait contraint le gouverneur de Vincennes à capituler. Le général Porret de Morvan, qui pour avoir conduit à Sens les chasseurs à pied de la vieille garde, se flattait de remplacer Curial comme colonel en premier de ce corps, vit bien Curial disgracié[1]; mais le commandement des chasseurs passa à Morand. Le prince Jérôme, tout Altesse impériale qu’il était, n’eut qu’une division d’infanterie. Mouton-Duvernet, rallié à l’Empereur dès le 10 mars, fut nommé gouverneur de Lyon, mais Sebastiani, qui avait précipité la défection de l’armée du duc de Berry, reçut une mission dont il se montra peu satisfait[2] : l’organisation des gardes nationales dans la 16e division militaire.

  1. L’Empereur retira ce commandement à Curial parce que ce général avait tenté de s’opposer au départ des chasseurs. Il lui donna peu après une division d’infanterie à l’armée de Suchet.
  2. «... Je demande un corps d’armée actif, ou je réclame ma mise à la retraite. » Sebastiani à Davout, Amiens, 3 mai (Arch. de la Guerre.)